J’avais envie de suivre un autre garçon (pourtant le même)

Mon corps, ma voix, mon sourire ne suffisaient pas. J’étais incapable de me présenter à l’autre, équipé de ce seul attirail : une enveloppe physique médiocre (l’image que j’avais de moi-même oscillait entre « ordinaire moins » et « ordinaire plus » selon les jours), un manque criant de répartie et d’humour, et l’absence totale d’expérience. Il fallait que je …

Je me souviens de Philippe Aigrain

Je me souviens de son visage : pour moi, le premier visage de Publie.net lorsque j’ai découvert la maison. Je me souviens qu’il était debout dans l’allée, devant le stand, et qu’il m’a présenté Julie, assise derrière la table ; j’ai rencontré Guillaume le lendemain. Je me souviens avoir pensé : « J’ai envie de travailler avec cette maison, …

La taille de son cœur est augmentée

Je n’ai rien vu à Nantes : je n’ai pas vu des choses, j’ai vu des gens. En sortant de la gare, je traverse le Jardin des Plantes. Je voudrais que cela devienne un rituel. Devant le château, je photographie la duchesse Anne pour l’envoyer à J.-E. : une façon de lui dire : « Je …

Puisqu’ils sont bien ensemble, pourquoi ne pas continuer ainsi toute la vie ?

D’habitude, je n’ai pas de sympathie pour les goélands : ils sont trop parfaits, blancs immaculés, le bec impeccable, une sorte de dédain dans leur pose (comme les chevaux qui savent être beaux, mais pas mignons, ni sympas : je préfère les ânes). Alors cette famille qui habite sur le toit du garage, sous notre fenêtre, me …

Serrer les dents, car plus tard « ça ira mieux »

Il y a quelque chose dans l’air : c’est imminent. Dans ma rue, ils sont dehors avec leurs scies sauteuses et leurs ponceuses. Ça sent le bois coupé. Les copeaux. Dans l’air, il y a ça. Mais il y a aussi une excitation. Depuis quelques jours, ils construisent leur terrasse en assemblant des palettes, ou ils …

Pour le seul boulot merdique de ma vie

J’ai rendez-vous rue Delizy, à Pantin, pour mon travail ; il s’agit du travail rémunéré le plus excitant, le plus intéressant, le plus valorisant que j’ai jamais exercé ; j’arrive devant les bureaux de Citoyenneté Jeunesse, où je suis attendu pour parler des ateliers d’écriture que je voudrais animer l’an prochain ; dans la même rue, cinquante mètres …

Ce n’était plus de la licence poétique, mais de la myopie

Avant de porter des lunettes, je ne voyais pas flou. Je voyais, c’est tout. Je veux dire : bien sûr que je voyais flou, mais je ne le savais pas. J’avais réussi à abuser les rares médecins scolaires qu’on avait placés sur ma route. Quand ils me demandaient de lire les lettres sur le panneau, je …

Le mot « jeune » était inutile

Le robinet de la baignoire est resté ouvert : l’eau a coulé toute la nuit. C’est J.-E. qui me signale l’anomalie et moi, resté au lit (le lit étroit de mon enfance, dans ma chambre du Pecq), je culpabilise. Je cours à la salle de bains pour réparer mon erreur. C’était ma mission, de fermer le …

Une tempête comparable grondait dans le crâne d’à-côté

On ne peut pas savoir ce qu’il y a dans la tête des autres. Je n’étais pas ami avec lui ; je l’aimais bien. Nous étions camarades, de loin. Les gens qui semblaient être ses amis me paraissaient sympathiques. Pourtant, je ne me mêlais pas à eux. Je fréquentais seulement une poignée de personnes, dans une …

Le vide en-dedans est plus vaste que le plein autour

La supérette sombre où nous faisions nos courses est toujours à sa place, sur le côté droit, lorsqu’on monte la rue en sortant du métro. Nous ne nous approchons pas du magasin : nous restons au milieu de la chaussée. Nous longeons les façades, mais de loin. C’est moi qui mène. Je commente les évolutions du …