En attente des personnages

Venise est un décor : d’accord. Une fois qu’un a dit ça, on fait quoi ? Le décor est le décor de quelque chose : en attente des personnages. Tandis que la montagne, elle n’avait pas besoin de nous. Au rifugio Des Alpes, après que nous avons expliqué à la dame la suite de notre voyage, elle a …

Mais la bipédie c’est une autre affaire

Nous posons un pied devant l’autre ; au-delà, difficile de savoir ce qui arrivera. Nous le devinons, car nous avons lu la carte : les sentiers en pointillés, les courbes de niveau, nous décodons ce langage sans y penser : l’image mentale se forme en temps réel. Mais le vrai paysage, c’est autre chose. Et …

Je suis née dans les montagnes, mais quelqu’un m’en parlait toujours

Les montagnes, je les franchis en train, je ne m’arrête pas dans leur immensité bizarre : elles sont un décor que j’observe à travers une vitre qui ne s’ouvre pas. Ce pourrait être un rituel. Combien de fois ? La première, une nuit : je n’ai rien vu. Plusieurs fois la nuit. Maintenant, en plein …

Peut-être sont-ils aussi sympas que moi 

Ce garçon, appelons-le Lorenzo, par exemple, il est dans l’eau à côté de moi, dix-huit ans, vingt au maximum, il est seul. Un rocher affleure : Lorenzo essaie de grimper dessus, il glisse à plat ventre comme un manchot, il monte à quatre pattes, il parvient à se mettre debout malgré les vagues. L’eau lui …

Devant l’image d’une image

Depuis la table d’à côté, le gars me dit : « C’est beau d’assister à cette scène : toi qui parles avec la serveuse. » Il me dit ça en italien. Je le remercie et proteste pour la forme : « È molto facile ordinare un caffè! » Oui, mais il trouve que nos échanges étaient fluides, du tac …

Grâce à lui le bambino reste au sec 

Celui avec les pieds dans l’eau, qui porte le bambino sur ses épaules, c’est Christophe, mais je dis « Cristoforo » parce que je m’adresse à J. dans notre sabir bricolé : je commence une phrase en anglais puis, par paresse ou incompétence, je la termine en français ; et je lui parle italien par jeu, ou …

Des montagnes, oui, les traverser en train

Souvent j’emporte un livre dans le train, et je ne le lis pas, happé par le paysage, ou amolli par le mouvement. Mais celui-ci, je l’ouvre aussitôt installé à ma place parce que je sais que, si je ne le lis pas dans cet espace suspendu, je l’aurai emporté pour rien : ce n’est pas …

Ou le mien, ce qui semble revenir au même

Ça commence encore par un départ. Il faut rassembler nos affaires pour quitter la maison (c’est-à-dire l’appartement du Pecq, comme d’habitude). Les portes-fenêtres sont grand ouvertes : je sens le beau temps au-dehors. Je dois décider comment m’habiller pour la journée : je porte une chemise sur un t-shirt, et c’est trop. Je me demande s’il vaudrait …

L’homme que tout le monde attendait manque à l’appel

Pour rentrer chez moi, j’emprunte cette rue bordée de trottoirs très hauts. Je ne vois pas le Tibre à ma droite, puisque la chaussée s’enfonce comme dans une tranchée, en contrebas du quai. Et j’ai le soleil dans l’œil. À gauche, c’est la prison du Trastevere. On installe devant la porte des barrières métalliques de …

Montauban, à l’heure des étourneaux

L’archer sans sa flèche, son arc tendu sans sa corde : le puissant Héraklès de Bourdelle perdu, comme moi, dans ce Hall 2 de la gare Montparnasse que je découvre à la faveur de mon premier voyage en Ouigo. Je pense : « Avant Montauban, c’est déjà un peu Montauban. » Dans quatre heures, ce sera Montauban pour de …