À supposer que cette place soit le centre d’un monde

J’attends Joël au même café que la dernière fois (il pleuviotait ce dimanche-là, on n’avait pu faire presque aucune photo, il disait que la lumière était dégueulasse, alors il s’était contenté d’un portrait et de quelques repérages, et moi je l’avais emmené partout comme si c’était une visite guidée), je suis arrivé en avance exprès …

Jusqu’à atteindre le cœur du phénomène

C’était l’été au jardin de Reuilly ; les gens étaient beaux ; ils étaient assis ou couchés, ou adoptaient des positions hybrides entre l’assis et le couché : accoudé dans l’herbe, les jambes étendues, l’autre bras laissé libre pour dessiner des gestes dans le ciel bleu, soulignant la parole gaie, enjouée, abondante ; certains torses étaient nus ; les jambes …

Il nous reste le jardin de Reuilly

On descend l’avenue Gambetta à visage découvert. Il est trois heures du matin, on a pas mal picolé, l’avenue est déserte. On ne craint pas de projeter nos fluides et notre haleine sur des inconnus : il n’y a personne. Il ne fait même pas froid, on avale de grandes bouffées d’air. C’est un moment …

Cette sensation de ne pas faire partie de l’histoire

On est très nombreux, on marche au milieu d’une avenue large, sur la chaussée même. C’est une manifestation. C’est même plus que ça : « Non, sire, c’est une révolution. » La configuration de cette rue est si singulière (une tranchée bordée de trottoirs surélevés) que je suis certain de me trouver sur l’avenue de Saint-Mandé. On progresse …

Ce carrefour où une rencontre doit avoir lieu

Deux garçons se sont croisés sans se voir. Mais, moi, je les ai vus. Ça s’est passé au carrefour de la rue de Picpus et de la rue Dorian. Le garçon pâle, avec sa chemise bleue trop large sur son corps fluet, s’apprête à traverser la rue Dorian. Il regarde à droite et à gauche, …

Ils se sont laissés porter

Je reconnais aussitôt ce jeu. C’est un garage automobile à monter soi-même : des parois en plastique assemblées par pression dans des plaques grises figurant un plancher. Et des fenêtres, vachement réalistes. Sur les pompes à essence, ce logo en coquillage d’une compagnie connue. Quatre bonshommes arborent le même logo : les pompistes. Et puis, deux bonshommes …

Le roman et la poésie

Je ne sais pas, parfois, pourquoi on fait la différence entre la poésie et le roman. Moi, je dis que je n’écris pas de poésie (c’est vrai), mais d’autres disent que mes romans ne sont pas de vrais romans (et c’est vrai aussi). J’ai déjà entendu l’expression roman poétique, qui voudrait dire que je ferais …

Noms de lieux : la ville, le paysage

Les lignes ne disent presque rien du paysage, sur le plan. Je veux dire : la forme des lignes telles qu’elles sont tracées sur le papier. À Paris, à l’inverse, lorsque les lignes sont droites et lorsque les carrefours sont à peu près orthogonaux, on peut être certain que le quartier est, dans la vraie vie, …

C’était même balnéaire

Cela faisait, quoi, six semaines que je n’étais pas descendu sous terre, à cause des cinq passées en Vendée, puis de celle qui vient de s’écouler pendant laquelle je ne me suis déplacé qu’à pied et, une fois, en bus, c’est-à-dire au-dessus du niveau du sol ; mais hier soir, on a pris le métro, J.-E. …

Je me souviens (sans nostalgie)

Je suis heureux d’avoir été sollicité par Velimir Mladenović pour cet entretien dans Quinzaines — anciennement La Nouvelle Quinzaine littéraire —, parce que j’ai pu dire des choses qui me tenaient à cœur.