« Il y a un côté absurde », disent-ils

J’écris en roue libre depuis plusieurs semaines, sans relire ce que j’ai fait dans les jours précédents, ni me référer aux chapitres écrits l’année dernière. Avant de m’engouffrer dans n’importe quoi, ce serait bien d’y jeter un œil à nouveau ; avant d’aller trop loin dans le bizarre-pas-bizarre — cette bifurcation qui m’excite : ouvrir une brèche …

Il y a eu des premières fois, et celles-ci ne finissent pas

L’impression d’avoir répété ces mots mille fois sans me lasser : « Être de retour à Luçon, ce n’est pas seulement chouette, c’est important. » La première matinée, je n’ai rien de prévu : ma feuille de route est vide, tandis que celles de mes camarades de festival est chronométrée. Je ne rencontre ni élèves, ni lecteurs. Je marche …

Il se peut qu’on s’évade en passant par la porte

Il y pousse des herbes plus grandes que nous — nous, à la première personne du pluriel, car les plus jeunes sont presque aussi grands que les plus vieux : quatre collégien et collégiennes, le prof et moi. Nous sommes au CDI, un lieu silencieux par vocation, aujourd’hui plein de nos agitations invisibles : dans les têtes, …

Le texte est plastique

Dans une salle de classe très claire, peut-être celle de physique-chimie où nous étions la dernière fois (avec les squelettes exposés sur l’étagère : j’aurais dit des crânes de rongeurs, mais de la taille d’une tête de chat), on s’était réfugiés ici parce que la salle habituelle donne directement sur le chantier et que le marteau-piqueur …

Je me méfie de la verticalité

Je ne vois même pas le haut de l’hôtel de ville, son beffroi perdu dans le brouillard, alors les deux affreuses tours derrière le cinéma, je n’y pense même pas. Totalement effacées, oubliées. Je n’aimais pas leur surplomb : je me méfie de la verticalité. Ce matin, le ciel, au-delà de cinquante mètres : un écran blanc …

C’est inventer un rituel

Je ne souhaite pas « Bonnes fêtes » aux gens que je ne connais pas assez pour savoir, avec certitude, qu’ils ont prévu de faire la fête prochainement. Je dis sans scrupule « Bonne journée » à de parfaits inconnus, car je suis sûr que tout le monde devra passer ladite journée, tant bien que mal, quelle que soit …

Vous n’avez donc pas d’état ?

Je n’avais rien compris à ce tableau, je me disais : « On verra bien. » J’ai vu, mais je n’ai toujours pas compris si je devais de l’argent à l’Urssaf ou si elle m’en devait. Puis, j’ai reçu un appel à cotisations, alors j’ai payé les 259 euros demandés. Ensuite, j’ai reçu 750 euros, tombés directement sur …

La ville avait l’air d’un gâteau doré dans ses remparts

Une lumière vive éblouit soudain, puis disparaît. Jour, nuit. La revoici aussitôt occultée. Et ainsi de suite : un lever du jour en dents de scie. À l’est, ce sont les montagnes. Je me trouve entre Valence et Orange, à vue de nez (je calcule par rapport à l’horaire de mon train). Je lis. J’ai …

On a besoin d’être rassurés, c’est tout

Un message sécurisant, ce serait : « Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. » Au lieu de ça, ils écrivent : « Vous recevrez sur votre espace connecté votre échéancier définitif 2020 et provisoire 2021 incluant le détail de vos cotisations sociales et les aides covid-19, si vous êtes éligibles. » Ça crée un vague sentiment désagréable (comme …

C’est un immense dessin en couleurs

Je n’avais pas demandé ça du tout. J’avais dessiné sur mon bras un bonhomme, au feutre noir, peut-être cinq centimètres de haut : de face, statique, comme s’il posait pour un portrait, coupé à la ceinture et au-dessus des mains par un cadre vaguement orné (j’avais dédoublé le trait pour bien signifier mon intention : une sorte …