Nous avons de la chance d’avoir une prof comme Brigitte Smadja

Le jour de la rentrée, plusieurs se sont demandé si c’était la même Brigitte Smadja, celle dont nous découvrions le nom sur notre emploi du temps, et celle dont elles connaissaient les livres : « J’ai lu La tarte aux escargots quand j’étais petite, je ne peux pas croire que Brigitte Smadja est notre prof de français ! » …

C’est cette chambre abstraite

« C’est l’endroit où je peux extérioriser mes émotions et me retrouver en moi-même », écrit-elle. Je lui demande si elle a conscience du paradoxe de sa phrase, elle me répond que oui, bien sûr. Il s’agissait de décrire de mémoire un espace familier, connu par cœur. En moins d’une heure, que faire de plus ? Là, au …

Alors que personne ne nous le demande

On croirait qu’un thème « orange » a été décidé, et pourtant non. Ça s’est fait comme ça. Juline a préparé un velouté de potimarrons, un curry de butternuts et patates douces, un gâteau de pain d’épices à la crème d’oranges. Et nous, on a apporté des clémentines et des kumquats. Quand elle nous a demandé : « Vous …

J’explore, j’approfondis, je radote

J’avais vingt-et-un ans, c’était l’année des voyages : je n’avais rien demandé et ça m’arrivait quand même. À l’époque, j’avais déjà compris que j’étais un petit gars chanceux, mais ce truc-là je ne l’avais pas vu venir : il y avait déjà ce départ en Pologne programmé, car dans mon école le séjour Erasmus était obligatoire (ça …

La fin de la honte et de la haine de soi

Je comprends facilement les deux premières phrases : « Część ! Jak się masz ? » Il s’adresse à la jument. Mais les mots qu’il prononce après, je suis déjà largué. Il ne reste pas grand-chose de mon polonais — d’autant que je n’ai jamais possédé de cette langue que des bribes : une heure hebdomadaire durant, quoi ? douze semaines ? Le seul …

Il faut dire qu’il est costaud

Je lui propose une terrasse de café dans le Marais. Il répond : « Ouais. » Enthousiasme modéré. Alors, va pour Montmartre : je prends le métro jusqu’à Château-Rouge — non, jusqu’à Marcadet, car je rate ma station — et je croise la rue Ramey, alors, forcément, je pense aux « années Montmartre », car je suis de nouveau dedans. J’ai …

Je serais pour une littérature à bout portant

C’est de plus en plus évident, ça saute aux yeux, et je ne m’en cache pas : Jules, c’est moi — j’avais dit, plus tôt : « Maurice, c’est moi », mais ce n’est pas incompatible : je suis tous les personnages à la fois, je ne parle que de moi. Comment inventer la vie de gens qui ne sont …

Écrire à la première personne m’est à la fois agréable et étrange

La proviseure a enseigné quinze ans en Seine-Saint-Denis. Elle sait que j’y travaille souvent. Elle me prévient : « Ici vous verrez, c’est différent » — puis je dis que j’ai fait mon lycée au Vésinet — et elle répond : « Alors vous ne serez pas dépaysé » — parce que Saint-Maur-des-Fossés est une banlieue résidentielle comme celle où j’ai …

Grâce au temps que nous passerons ensemble

Le premier à qui je parle, c’est un gars qui m’aborde derrière la cathédrale, je suis assis sur le parapet de la zone archéologique (du fond de ce trou vingt siècles vous contemplent), j’ai marché depuis la Part-Dieu et avalé un casse-croûte en chemin ; il s’approche, il me dit « vous » une fois ou deux, puis : …

Peut-être sont-ils aussi sympas que moi 

Ce garçon, appelons-le Lorenzo, par exemple, il est dans l’eau à côté de moi, dix-huit ans, vingt au maximum, il est seul. Un rocher affleure : Lorenzo essaie de grimper dessus, il glisse à plat ventre comme un manchot, il monte à quatre pattes, il parvient à se mettre debout malgré les vagues. L’eau lui …