Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée

J’ai failli écrire : « ambiance pompes funèbres », mais en général les magasins de deuil sont décorés de couleurs pastels et de motifs mièvres, un kitsch sobre et consensuel, certes pas trop gai, mais surtout pas plombant. Tandis qu’ici, c’est plutôt le genre lugubre : une porte métallique gris foncé, parfaitement rectangulaire. Le style agence immobilière. Pour avoir …

Peut-être sont-ils aussi sympas que moi 

Ce garçon, appelons-le Lorenzo, par exemple, il est dans l’eau à côté de moi, dix-huit ans, vingt au maximum, il est seul. Un rocher affleure : Lorenzo essaie de grimper dessus, il glisse à plat ventre comme un manchot, il monte à quatre pattes, il parvient à se mettre debout malgré les vagues. L’eau lui …

On ne trafique rien de méchant

L’imprimeur me dit, en bon épicier des familles : « Je vous en ai mis un peu plus. » Le tirage officiel, c’est cent exemplaires, et le un peu plus on ne le compte pas : c’est pour la caisse noire, pour les cadeaux, le plaisir d’offrir (joie de recevoir). C’est le quatrième tirage de La lande d’Airou. Les …

Demain ce sera rose

C’est fou le nombre de jeunes qui attendent sur ce quai avec un bouquet de fleurs : c’est dimanche, il est midi, ils sont attendus chez leur mère. Des tas de Parisiens ont leurs parents sur cette ligne. On avait déjà remarqué ça, à l’époque où nous faisions comme eux, prenant le train pour Marly-le-Roi. Cette …

La répétition des mêmes manœuvres dilatoires

On les entend tôt le matin, on sait qu’ils sont là, puis on tire le rideau et ils s’envolent. Ils savent qu’il n’y a pas de place pour s’installer, car la jardinière est hérissée de bâtons. Ils viennent quand même. À chaque fois ils doivent être déçus, mais ils ne peuvent pas s’empêcher de revenir. …

Pour le seul boulot merdique de ma vie

J’ai rendez-vous rue Delizy, à Pantin, pour mon travail ; il s’agit du travail rémunéré le plus excitant, le plus intéressant, le plus valorisant que j’ai jamais exercé ; j’arrive devant les bureaux de Citoyenneté Jeunesse, où je suis attendu pour parler des ateliers d’écriture que je voudrais animer l’an prochain ; dans la même rue, cinquante mètres …

On l’assume ; mieux : on le revendique

Je ne peux pas dire de quoi il s’agit, car c’est une surprise, mais ça se fabrique dans un atelier à côté des Buttes-Chaumont. C’est pour ça qu’on pique-nique là, Guillaume et moi : on doit passer à l’atelier récupérer ces trucs pour les offrir aux souscripteurs de nos Histoires pédées. Le soleil brille sur nous. …

Le mot « jeune » était inutile

Le robinet de la baignoire est resté ouvert : l’eau a coulé toute la nuit. C’est J.-E. qui me signale l’anomalie et moi, resté au lit (le lit étroit de mon enfance, dans ma chambre du Pecq), je culpabilise. Je cours à la salle de bains pour réparer mon erreur. C’était ma mission, de fermer le …

Ça ne fait pas avancer le schmilblick

On ne va pas se mentir : la rue où j’habite, au mois d’août, c’est une majorité de magasins fermés et d’habitants partis en vacances. Mais elle est considérée comme une rue commerçante, alors, depuis hier, il faut porter un masque dehors. Même quand on sort de chez soi pour aller au bout de cette …

Tous ces riens admirables (le luxe)

« Car il me manquera / Mon élément plastique / Plastique tique tique… » Quelqu’un chante ça, dans la cour. Hier matin, quelqu’un gueulait : « Tous les matins tu nous fais chier, gros con, à huit heures tu nous réveilles, connard. » La prière était adressée au banquier qui se rêvait maître du monde, et qui s’est abattu sur …