La première personne à qui j’ouvre la porte, alors que l’exposition n’a pas commencé, c’est un homme au large sourire qui porte des fleurs étonnantes : des iris roses qui l’émerveillent lui-même. Ils ne sont pas pour moi. Il est venu les offrir à Henri, bien qu’il sache qu’Henri n’est pas là. Il reviendra chaque semaine …
Archives de l’étiquette : l’absence
Chez l’autre qui n’est pas là
Le cinéma est fermé, je suis assis avec H. autour d’une minuscule table de bistrot, tout contre le rideau de fer, les affiches de films au-dessus de nos têtes. C’est un renfoncement courbe qui me fait penser à la rue de Jouy : une adresse qui semble logique, par rapport au lieu où je me trouverai …
Alors que personne ne nous le demande
On croirait qu’un thème « orange » a été décidé, et pourtant non. Ça s’est fait comme ça. Juline a préparé un velouté de potimarrons, un curry de butternuts et patates douces, un gâteau de pain d’épices à la crème d’oranges. Et nous, on a apporté des clémentines et des kumquats. Quand elle nous a demandé : « Vous …
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Présence réelle, tu parles
« Antonin est vivant, profitez-en pour lui poser les questions auxquels les autres ne pourraient pas répondre », dit R. à ses étudiants — il est 8 heures, je suis sorti sans petit-déjeuner, éveillé tôt par le trac et l’excitation : il doit être écrit quelque part que, la première fois que je mets les pieds à la …
La taille de son cœur est augmentée
Je n’ai rien vu à Nantes : je n’ai pas vu des choses, j’ai vu des gens. En sortant de la gare, je traverse le Jardin des Plantes. Je voudrais que cela devienne un rituel. Devant le château, je photographie la duchesse Anne pour l’envoyer à J.-E. : une façon de lui dire : « Je …
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Le tombeau d’un homme discret
J’espérais trouver une photo de Jean Vaudal, car le seul portrait que je connais de lui est ce dessin paru dans Les lettres françaises après sa mort. Je voulais connaître ses actions de résistance, qui ont conduit à son arrestation le 6 juillet 1944. J’ai donc cherché dans les archives de la police. Mais, sur …
Avant que ça devienne laborieux
C’est laborieux, mais dans le bon sens du terme. Autrement dit : c’est du boulot. Et j’aime ce boulot. Pour écrire quelques lignes de fiction, j’ai besoin d’un temps infiniment plus long (et d’une concentration bien plus grande) que pour écrire un billet de ce journal, que je jette ici sans difficulté, sans trop y réfléchir. …
Quelqu’un que nous aimions a lâché notre main
La ville est floue, les maisons atténuées par le filtre doux de la brume. On se déplace comme dans du coton, confus, tout engourdis. Le brouillard est dans nos têtes, surtout, car je dors mal, et J.-E. ne dort presque pas. Dans la vallée, les nappes flottent en apesanteur. Vers le causse, elles s’accrochent aux …
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C’est une histoire d’amour
J.-E. ne parle pas beaucoup de lui. Mais il aime parler de sa grand-mère. Quand j’ai connu J.-E., il m’a dit qu’il aimait une vieille dame et qu’il lui rendait visite le plus souvent possible, dans un village perché sur le causse, à six heures de train de Paris. Avec elle, il redevenait un petit …
Le Marsupilami ne répond plus
Je ne sais plus qui a eu l’idée de ce mot, de L. ou de moi. Il habite sur la Rive gauche, c’est loin de chez moi, au-delà du kilomètre légal. Impossible de se croiser à l’occasion d’une promenade fortuite. Pourtant, on a besoin de vie sociale — et on ne fait courir de danger …