Nous avons vécu dans un endroit beau. Aujourd’hui aussi, c’est beau, mais moins, ou différemment. Il ne s’agit pas de beauté absolue, rue de la Roquette. Notre cour est agréable parce que bien entretenue, ombragée par de hautes feuilles, parcourue par des chats : l’architecture pauvre et fonctionnelle d’un faubourg du XVIIIe s’est parée, au XXIe …
Archives de l’étiquette : la banlieue
Comment démolit-on un trou ?
Tout est en vrac. Il y a une semaine, c’était un garage. Ce matin la pelleteuse déblaie le monceau de béton, hop, hop, même mouvement que vous avec la balayette après que vous avez cassé un verre, une assiette. Il ne reste rien d’autre qu’un trou. Le sous-sol du garage. La cave. La cachette était …
J’arpente les lieux vides et je déjeune dans des restaurants désolés
Ça se passe aux confins — de Bagnolet, de Montreuil et de Paris. C’est le moment où, d’une enjambée, on quitte Bagnolet en imaginant trouver Montreuil parce que ce sont « les puces de Montreuil », mais sur ce trottoir-là (on marche à droite) c’est Paris. On n’y croit pas. Parce que derrière le grillage c’est la …
Continuer la lecture « J’arpente les lieux vides et je déjeune dans des restaurants désolés »
Mon radar ne fonctionnait pas du tout
Aujourd’hui c’est mon anniversaire et le premier ministre est plus jeune que moi. J’ai vingt ans de plus que mes élèves. Et c’est à eux que je pense, bizarrement, quand j’apprends la nomination de ce type, d’apparence insipide et pourtant si malfaisant (le costume propret de ces néo-réactionnaires qui se prétendent cool) : je ne pense …
Continuer la lecture « Mon radar ne fonctionnait pas du tout »
Il n’y a pas de temps perdu
Pour aller au lycée de P. l’autre jour, j’ai pris de l’autre côté depuis la même gare. Un quart d’heure à pied. Là, pour le collège, ce sera vingt minutes dans la direction opposée. La gare s’appelle Épinay-Villetaneuse : logique. Il y a donc le côté de chez Jacques-Feyder (le lycée d’Épinay) et le côté de …
C’est cette chambre abstraite
« C’est l’endroit où je peux extérioriser mes émotions et me retrouver en moi-même », écrit-elle. Je lui demande si elle a conscience du paradoxe de sa phrase, elle me répond que oui, bien sûr. Il s’agissait de décrire de mémoire un espace familier, connu par cœur. En moins d’une heure, que faire de plus ? Là, au …
Je digresse et tu le sais
À G. qui me demande si je serai à la BNF cet après-midi, je réponds oui, mais pas à Tolbiac comme lui, plutôt à Richelieu : « parce que je préfère les ors, les boiseries, le luxe. » Bien sûr, il rebondit : « la luxure. » Mais non, il se trompe, il ne m’arrivera rien de ce genre, car …
Écrire à la première personne m’est à la fois agréable et étrange
La proviseure a enseigné quinze ans en Seine-Saint-Denis. Elle sait que j’y travaille souvent. Elle me prévient : « Ici vous verrez, c’est différent » — puis je dis que j’ai fait mon lycée au Vésinet — et elle répond : « Alors vous ne serez pas dépaysé » — parce que Saint-Maur-des-Fossés est une banlieue résidentielle comme celle où j’ai …
Continuer la lecture « Écrire à la première personne m’est à la fois agréable et étrange »
Je suis l’un de ces adultes : visible et fier
Je ne suis pas étonné de reconnaître des visages familiers : ici, se sont donné rendez-vous des personnes qui se ressemblent, qui me ressemblent. Non, il ne s’agit pas vraiment de ça. Plutôt : bien que tous et toutes différent·es, nous nous identifions à un même monde (idéal) où la diversité est joyeuse et célébrée. Nous sommes …
Continuer la lecture « Je suis l’un de ces adultes : visible et fier »
Demain ce sera rose
C’est fou le nombre de jeunes qui attendent sur ce quai avec un bouquet de fleurs : c’est dimanche, il est midi, ils sont attendus chez leur mère. Des tas de Parisiens ont leurs parents sur cette ligne. On avait déjà remarqué ça, à l’époque où nous faisions comme eux, prenant le train pour Marly-le-Roi. Cette …