Habiter cette case « autre »

Je lui dis qu’il va me manquer. Il n’est pourtant pas encore parti. J’anticipe. Il me dit quelque chose de joli. J’appelle ça une déclaration. Pour moi, entre les lignes, c’en est une. Il précise : « parce que je suis pudique. » Il sait être explicite autrement que par les mots. Il agit. Il fonce. Il est …

Je te baptise « beau » alors tu seras beau

Origny-le-Butin est comme le patelin par défaut, celui qu’aucune mythologie n’accompagne, celui qui apparaît quand on pense « un village lambda ». Il n’est pas juché en-haut d’un promontoire rocheux, il n’est pas battu par les vagues, il n’est pas baigné par le glouglou d’une rivière pittoresque. On n’y a pas découvert le squelette d’un humain préhistorique. …

Voir ces choses qu’ils ont vues

Un jeune homme, plus jeune que moi, vingt-neuf ans dans un mois ou deux, c’est l’été 83, il apparaît dans un fondu bleu, peut-être un filtre, plus probablement la lumière du matin, un bleu pâle sur les murs, sur le canapé qui devrait être blanc, et sa peau aussi, il est presque nu, il est …

L’animal nocturne comme un cadeau

Il y a quatre personnages. L’un est un homme. Les autres, un oiseau, un crustacé, un reptile : des chimères, en vérité. Des allégories peut-être. De quoi ? L’homme a pour mission de défendre le temps, c’est-à-dire le globe de bronze où tournent deux aiguilles. Car c’est une horloge, le monument du quartier éponyme. Mille fois nous …

« Splendeurs et misères des couturières », ou « Le pari des Rabot »

J’avais envie de romanesque, voire de rocambolesque : quelque chose de feuilletonnant. J’ai été servi par Un conte de deux villes. Quand je l’ai fini, H. m’a dit : « J’adore les scènes d’auberge, et aussi la description du salon glacial d’un aristo français » — il m’impressionne, il connaît tout. C’est le seul livre de Dickens que j’ai …

Le lecteur a déjà l’image mentale

« Mon histoire, c’est cet acte de piratage : comment ils ont intercepté les communications de l’occupant. Mais pour ça, j’ai besoin de connaître en détail la configuration du pavillon où ils se cachaient, et tout le quartier alentour. » C’est Joachim qui m’explique ça, hier soir à la Maison de la poésie, à propos de Robert Keller …

Je serais pour une littérature à bout portant

C’est de plus en plus évident, ça saute aux yeux, et je ne m’en cache pas : Jules, c’est moi — j’avais dit, plus tôt : « Maurice, c’est moi », mais ce n’est pas incompatible : je suis tous les personnages à la fois, je ne parle que de moi. Comment inventer la vie de gens qui ne sont …

Notre intimité est politique

Accompagnant l’exposition « Dans les marges, trente ans du fonds Michel Chomarat » à la bibliothèque municipale de Lyon, un catalogue est publié aux éditions Mémoire active sous la direction d’Antoine Idier. Merci à vous, Michel, Antoine, pour votre invitation : je suis fier d’avoir contribué à ce livre (disponible à Lyon à la bibliothèque de la Part-Dieu, …

Mon goût d’archiver et celui de fabriquer des livres

Si je préfère le web ou les livres ? C’est comme me demander si je préfère boire ou manger, si je préfère mon père ou ma mère, si je préfère être amoureux ou en bonne santé, si je préfère lire ou écrire, enfin, vous avez compris. Je publie des trucs sur ce blog parce que je …

Enfant presque idiot, ne sait presque rien

Je racontais à H. ma précédente visite aux Archives en disant : « Je ne suis pas un vrai chercheur » — car j’avais été content de ne rien trouver : mon départ bredouille était une bonne histoire. Je lui disais que j’y retournerais pour le seul plaisir de feuilleter des grimoires : Rue des Batailles est un prétexte ; nul …