Venise est un décor : d’accord. Une fois qu’un a dit ça, on fait quoi ? Le décor est le décor de quelque chose : en attente des personnages. Tandis que la montagne, elle n’avait pas besoin de nous. Au rifugio Des Alpes, après que nous avons expliqué à la dame la suite de notre voyage, elle a …
Archives de l’étiquette : les langues
Mais la bipédie c’est une autre affaire
Nous posons un pied devant l’autre ; au-delà, difficile de savoir ce qui arrivera. Nous le devinons, car nous avons lu la carte : les sentiers en pointillés, les courbes de niveau, nous décodons ce langage sans y penser : l’image mentale se forme en temps réel. Mais le vrai paysage, c’est autre chose. Et …
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Je suis son hôte et leur hôte
La première personne à qui j’ouvre la porte, alors que l’exposition n’a pas commencé, c’est un homme au large sourire qui porte des fleurs étonnantes : des iris roses qui l’émerveillent lui-même. Ils ne sont pas pour moi. Il est venu les offrir à Henri, bien qu’il sache qu’Henri n’est pas là. Il reviendra chaque semaine …
Le désir de prolonger ce geste
Nous allions parler d’amour, je le savais. À peine nous nous sommes trouvés sur la place du Châtelet (depuis combien d’années n’avais-je pas eu le loisir d’observer cinq minutes cette fontaine, où personne d’autre que nous n’avions rendez-vous ce soir ?), il m’a assuré qu’il ne passerait pas la soirée à parler de lui, qu’il n’accaparerait …
La fin de la honte et de la haine de soi
Je comprends facilement les deux premières phrases : « Część ! Jak się masz ? » Il s’adresse à la jument. Mais les mots qu’il prononce après, je suis déjà largué. Il ne reste pas grand-chose de mon polonais — d’autant que je n’ai jamais possédé de cette langue que des bribes : une heure hebdomadaire durant, quoi ? douze semaines ? Le seul …
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Façon d’être un homme
Le bruit, les gens. Ça semble gai sur la place, dans cette rue, quand on sort de la gare. On se dit : chouette, c’est Jour de fête. On s’imagine dans le village de Jacques Tati, mais en italien, et puisqu’on n’a rien planifié avant notre visite, eh bien, on suit le mouvement. Sur le premier …
Grâce à lui le bambino reste au sec
Celui avec les pieds dans l’eau, qui porte le bambino sur ses épaules, c’est Christophe, mais je dis « Cristoforo » parce que je m’adresse à J. dans notre sabir bricolé : je commence une phrase en anglais puis, par paresse ou incompétence, je la termine en français ; et je lui parle italien par jeu, ou …
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L’homme que tout le monde attendait manque à l’appel
Pour rentrer chez moi, j’emprunte cette rue bordée de trottoirs très hauts. Je ne vois pas le Tibre à ma droite, puisque la chaussée s’enfonce comme dans une tranchée, en contrebas du quai. Et j’ai le soleil dans l’œil. À gauche, c’est la prison du Trastevere. On installe devant la porte des barrières métalliques de …
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Alors son interprétation est moins sensuelle
« Tu as vu ? La femme, en haut à droite. » Juline a l’œil pour ces détails. Ce n’est pas un détail, d’ailleurs : c’est une personne. Mais je suis trop assommé par le contenu du discours. Je dis : « Puisque les bars sont déjà fermés, puisque les événements sont interdits, les seules choses qu’on peut encore faire le …
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Dans une langue que je ne pige pas
J’avais prêté à F. Chambres séparées, de Pier Vittorio Tondelli, en lui disant combien ce livre m’avait bouleversé. Que c’était, pour moi, un souvenir de lecture important. Il m’a rendu le livre en me disant qu’il l’avait lu en plusieurs fois, ménageant des pauses, parce que c’était « un peu trop fort » émotionnellement. J’ai aimé qu’il …