« Pédale, pédale ! » est mon alibi et mon salut

Nous marchons sur une route sans ombre, il fait trop chaud. C’est une piste en forme de cercle aplati, un peu comme les cirques antiques. Aux deux extrémités, la bande asphaltée se relève comme dans un vélodrome ; pour favoriser la vitesse, j’imagine. C’est la piste d’essai des automobiles Fiat sur le toit de l’usine, au …

C’est une maison

Il faut un lieu pour qu’une rencontre ait lieu : on se côtoie dans un train, dans une salle de classe, dans la file d’attente d’un magasin, dans une cage d’escalier. Les immeubles à ascenseur, dans lesquels l’escalier est relégué derrière une porte coupe-feu, circulation bêtement technique en béton nu, éclairée par un néon trop blanc, …

Avant d’atteindre la butte promise

Nous avons vécu dans un endroit beau. Aujourd’hui aussi, c’est beau, mais moins, ou différemment. Il ne s’agit pas de beauté absolue, rue de la Roquette. Notre cour est agréable parce que bien entretenue, ombragée par de hautes feuilles, parcourue par des chats : l’architecture pauvre et fonctionnelle d’un faubourg du XVIIIe s’est parée, au XXIe …

On a eu chaud

Le sable sous les pieds est carrément pénible. Je regarde, curieux : ma peau a rougi. Je craignais les brûlures d’en-haut (pas un seul nuage en vue), mais je n’avais pas pensé à celles du dessous. Il y a deux jours, au kiosque d’informations touristiques de Ravenne, aux trois ragazze et au ragazzo (le sourire …

Il y a des gens là-haut

On pourrait dire, par facilité : « coupés du monde ». Mais le monde, c’est aussi la pierre, les brins verts qui en émergent parfois, les parois humides qui s’élèvent à mille mètres au dessus de nos têtes et scintillent au premier rayon. Le monde, c’est aussi la neige qu’il faut fouler, alors que j’aurais préféré ne …

Le langage est mon langage

Je m’étonne, non, je m’émerveille, encore, toujours, de vivre cette vie. Dois-je remercier ma chance ? Dans le salon où l’on cause, dimanche, lorsqu’on m’interroge sur mon travail, je dis combien je suis comblé par « ce qui m’arrive en ce moment », à propos de mes livres à paraître, de la résidence, de tout — puis je …

En attente des personnages

Venise est un décor : d’accord. Une fois qu’un a dit ça, on fait quoi ? Le décor est le décor de quelque chose : en attente des personnages. Tandis que la montagne, elle n’avait pas besoin de nous. Au rifugio Des Alpes, après que nous avons expliqué à la dame la suite de notre voyage, elle a …

Mais la bipédie c’est une autre affaire

Nous posons un pied devant l’autre ; au-delà, difficile de savoir ce qui arrivera. Nous le devinons, car nous avons lu la carte : les sentiers en pointillés, les courbes de niveau, nous décodons ce langage sans y penser : l’image mentale se forme en temps réel. Mais le vrai paysage, c’est autre chose. Et …

Je suis son hôte et leur hôte

La première personne à qui j’ouvre la porte, alors que l’exposition n’a pas commencé, c’est un homme au large sourire qui porte des fleurs étonnantes : des iris roses qui l’émerveillent lui-même. Ils ne sont pas pour moi. Il est venu les offrir à Henri, bien qu’il sache qu’Henri n’est pas là. Il reviendra chaque semaine …

Le désir de prolonger ce geste

Nous allions parler d’amour, je le savais. À peine nous nous sommes trouvés sur la place du Châtelet (depuis combien d’années n’avais-je pas eu le loisir d’observer cinq minutes cette fontaine, où personne d’autre que nous n’avions rendez-vous ce soir ?), il m’a assuré qu’il ne passerait pas la soirée à parler de lui, qu’il n’accaparerait …