Je pense à tout de suite

J’attends un coup de fil. À l’autre bout, quelqu’une m’annoncera une bonne nouvelle. Me fera une proposition concrète. Je l’espère. J’attends. Je n’utilise pas souvent le téléphone. Hier, c’était S. qui m’appelait. Il me racontait où il en était dans ses aventures éditoriales. Il savait qu’il recevrait un coup de fil quelques heures plus tard, …

La taille, oui, mais la durée compte aussi

De deux séductions, c’est celle du travail la plus forte : je décline une invitation à déjeuner, répondant que je suis à fond dedans, que je ne veux pas sortir du doux tunnel où je me suis engouffré moi-même. Ce n’est pas un prétexte pour éconduire l’ami, car je n’en ai pas besoin avec ceux qui …

Nous sommes de ceux qui regardent tout

Une dame me demande : « La sortie sud, c’est où ? » Elle me prend pour un habitué des lieux. Ça veut dire que j’ai une tête à savoir où je vais. Et ça me plaît d’avoir l’air de ça, dans cette ville que j’aime. Je dis : « C’est par là. » Elle veut être sûre : « C’est bien de ce …

Grâce à lui le bambino reste au sec 

Celui avec les pieds dans l’eau, qui porte le bambino sur ses épaules, c’est Christophe, mais je dis « Cristoforo » parce que je m’adresse à J. dans notre sabir bricolé : je commence une phrase en anglais puis, par paresse ou incompétence, je la termine en français ; et je lui parle italien par jeu, ou …

Ils jouent à la guerre

Jeudi, on n’est pas allés manifester parce qu’on avait peur de la police. Les deux soirs qui ont précédé, on a retourné la question dans tous les sens, mais J.-E. ne le sentait pas et, moi, je n’étais pas assez sûr de moi pour le convaincre. Se faire crever un œil ? On a décidé que …

On était dans le 17e

On aurait voulu une boulangerie : on commençait à avoir un petit creux, et on pensait à la boulangère d’Éric Rohmer, rue Lebouteux. On lui aurait demandé un sablé nature. Depuis belle lurette, sans doute, la boulangère de Monceau a pris sa retraite, à supposer qu’elle ait existé un jour – avec le cinéma, comment savoir ? …

Il s’est exposé

Il regarde les bustes d’enfants si réels, leurs yeux ardents percés dans la matière, les surfaces délicates de la peau. Il les considère droit dans les yeux, à hauteur d’enfant, parce qu’il est un enfant : c’est un petit garçon très beau, silencieux et ébouriffé, curieux. Le voyant évoluer parmi les sculptures, je ne peux faire …

Ces fantômes

Ce picotement entre les yeux, derrière, et là où le nez devient le front. C’est ça que je ressens. Je suis dans la rue des Francs-Bourgeois et il fait beau, je me dis que c’est le bon moment pour être ici, dans cette rue, cet endroit qui devient tellement épouvantable quand toutes les boutiques sont …

Les lignes courbes, tes yeux, la valise

Dans le nouveau Cafard hérétique, je dis la grâce des lignes courbes : les ondulations discrètes de la rue de Charenton et l’arête franche de la mandibule. Les deux portraits peints sont de Saïd Mohamed. Dans ce numéro, il y a aussi « Tes yeux, la valise ». C’est une nouvelle qui finit bien, puisqu’elle …