Par quels détours

Ça commence par une nuit. Savez-vous qu’il existe à Paris des imprimeries de nuit, comme ailleurs des pharmacies de garde ? On a réuni sur une clé USB les images qui deviendront bientôt une ode au voisin d’en face : composition sur ready-made pour célébrer l’envers et l’endroit. Est-ce qu’il nous voit par sa fenêtre, lorsque nous …

Les jumeaux ne sont pas des clones

Je tente des équivalences formelles. À Bourges, puisque ça dure trois jours, il me faut trois façons différentes d’aborder le récit. Pour commencer il y a le corps (je pars toujours du corps). Ensuite on bifurque. Le premier jour, nous visitons une expo sur le sport (on n’y échappe pas), alors je dis : « Choisissez un …

Y passer le même temps encore

Gênes est un monde, quelque part entre Marseille et Naples. Je ne connais pas Marseille. Je suis allé à Naples, un peu. Gênes est encore autre chose. Je m’y perds. Je n’ai pas le plan en tête. L’hôtel où je suis descendu (je ne parle pas de « descendre à l’hôtel », comme les élégants, mais de …

On a eu chaud

Le sable sous les pieds est carrément pénible. Je regarde, curieux : ma peau a rougi. Je craignais les brûlures d’en-haut (pas un seul nuage en vue), mais je n’avais pas pensé à celles du dessous. Il y a deux jours, au kiosque d’informations touristiques de Ravenne, aux trois ragazze et au ragazzo (le sourire …

Il y a des gens là-haut

On pourrait dire, par facilité : « coupés du monde ». Mais le monde, c’est aussi la pierre, les brins verts qui en émergent parfois, les parois humides qui s’élèvent à mille mètres au dessus de nos têtes et scintillent au premier rayon. Le monde, c’est aussi la neige qu’il faut fouler, alors que j’aurais préféré ne …

Nous sommes l’horizon désirable

Je m’inquiète pour J.-E. qui doit rester sans moi ce soir et les jours suivants. Non pas qu’il soit incapable de vivre sans moi (nous savons nous séparer quelques nuits, voire une semaine, afin de varier les manières de s’aimer, à distance ou tout proches, depuis dix-huit ans), mais il s’agit d’une soirée spéciale. Nous …

Avec les ailes que donne la foi

Il s’installe face à moi, au café, aussi beau que ce matin. Son sourire dit son plaisir. Timide quand même. Grand corps solide, ses épaules nues. Par facilité, je pourrais dire « un ange », mais non : il n’est pas « apparu » hier soir, il s’est approché et je l’ai accueilli. Il n’est pas blond. Ses boucles emmêlées, …

Ça ne sent pas bon

Dans la première salle, une brochette de chevaux fantômes, les yeux rouges, me font penser à la fougueuse cavale de notre chambre : les hommes sans visage montés sur des animaux plus beaux qu’eux, détourés d’un halo mystique, une ligne tracée par le père de J.-E. de son pinceau blanc ; pourtant leurs yeux sont noirs sur …

Je prends un petit morceau et je le mâche longtemps

Chiara dit : « Ça me rend heureuse. » C’est un mot que j’utilise avec précaution, parcimonie, méfiance. Longtemps j’ai craint qu’il ne soit synonyme de « bien-être », dans le sens de « absence de souffrance » : une sorte d’anesthésie. Le coma artificiel où nous plonge le médecin avant d’ouvrir notre corps au bistouri. Cette apathie serait donc un avenir désirable ? …

Posée là comme venue d’ailleurs

« Si Paris est un village, alors Le Havre, c’est quoi ? » Je pose cette question à S. au matin, après que j’ai rencontré, la nuit, une relation à lui : un gars du Havre à qui j’ai demandé bêtement : « Tu connais S. ? » Il a répondu oui et m’a donné les prénoms de ses amis : « Là-bas, tout le …