De l’autre côté du carrefour, depuis le banc où nous sommes assis, je remarque un arbre penché, comme un saule. À son pied, des fleurs blanches sont répandues, balayées par le vent. Je les montre à ma mère : « Regarde, ce sont les fleurs que tu aimes bien. » D’habitude, nous ne sommes pas spécialement branchés hanami : contempler les arbres en fleurs, bof. Mais ici, la chose devient très importante à mes yeux. Je profite d’un coup de vent plus fort pour saisir, en plein vol, une de ces fleurs. Elle est énorme. Je l’enlace de mes deux bras, pour qu’elle ne s’échappe pas. Je prends garde de la rabattre vers moi, afin d’éviter que le vent ne s’engouffre à l’intérieur (elle a la forme d’une cloche de muguet gigantesque) : si elle se gonfle d’air comme un parachute, elle s’envolera de nouveau, et je risque d’être entraîné par son mouvement. En la gardant bien serrée contre moi, je retourne m’assoir sur le banc, avec ma mère et ma sœur. Nous caressons les énormes pétales, très épais, très doux. Le toucher est si soyeux qu’il me semble être le principal plaisir de ces fleurs : il faut les caresser, plutôt que les observer. Imperceptiblement, cette masse molle et blanche se transforme : je porte désormais une énorme grappe de branches et de feuilles (les branches, très fines, ne me blessent pas, et les feuilles sont comme des aiguilles de pin, mais très douces). La chose semble toujours prête à s’échapper, si je ne la maintenais pas contre ma poitrine et sur mes genoux. Des petites baies violettes sont enfouies dans les feuillages ; je les propose à ma mère, à ma sœur. Ma sœur dit que ces fruits ne sont pas comestibles. Quelle déception ! Et moi qui étais persuadé qu’elle en raffolait… C’est pour ma mère que j’ai été chercher cette fleur, et c’est pour elle que je me suis donné tant de mal à cueillir ces baies… Tant pis. Je réalise alors qu’il y a un chien avec nous. Je tente de lui faire manger une baie : il n’en veut pas non plus. Bon ! Si c’est comme ça, je vais me séparer de cette masse végétale et encombrante : bon débarras ! Surtout qu’elle ne regorge pas que de fruits : elle est aussi habitée par des insectes noirs, ressemblant à des fourmis ailées. Ces bestioles viennent sur moi. Plusieurs se baladent déjà sur ma peau. Je suis en short et en t-shirt, donc très exposé : c’était agréable au moment des caresses (les pétales de fleur), mais beaucoup moins avec les fourmis. Je laisse donc le machin s’envoler pour de bon, et je vais me rincer à la fontaine. Je passe mes jambes, mes bras, puis ma tête sous l’eau froide. C’est une sensation vive, mais agréable. Un contraste total avec la douceur éprouvée au début du rêve. C’est un plaisir différent, mais un plaisir aussi.