Mardi 28 décembre 2004

Et si je reprenais ce journal ? Je l’avais laissé tomber cet été, au moment de partir en vacances. Je l’avais pourtant emporté… Mais, là-bas, j’ai plutôt tenu une sorte de « carnet de bord » dessiné, que maman garde précieusement. Ça raconte nos vacances. Puis, au retour, je n’ai pas ressenti l’envie de me relancer dans ce journal. Il y a des moments où on en a envie, ou même besoin ; ça fait du bien. Et d’autres où l’on trouve ça d’une bêtise affligeante. C’est vrai que, quand je lis certains passages… ouh là ! Comment ai-je pu écrire des banalités pareilles, ou m’épancher en états d’âme si inintéressants ? Oh, après tout, c’est bien : c’est là l’intérêt de ce journal : c’est spontané. Après, on se relit et on se dit : « Ce que j’étais con à cette époque ! » et on est content. Remarquez : je dis « à cette époque » sur le ton de « Moi j’suis un vieux de la vieille, j’en ai vu des choses », alors que ce journal n’a été commencé qu’il y a un an et demi. Bref, je m’y remets. Pour combien de temps ?

Et puis, je me dis : j’écris pour la postérité. Si je meurs demain, les gens sauront ce qu’il y a dans la tête d’Antonin Crenn. Et puis, je me dis que ces notes seront bien utiles quand je serai vieux, que ma mémoire commencera à défaillir et que mes fans me pousseront à rédiger mes mémoires. Ah, ça y est ! Le délire mégalomaniaque me prend !

Soyons sérieux cinq minutes. Il y a un trou de plusieurs mois dans ce journal, il faut y remédier. Je vais tenter un raccord sommaire, sinon la postérité ne comprendra rien. Que s’est-il passé dans ma vie entre août et décembre 2004 ? Je ne vois qu’une chose importante. Je vais la garder pour la fin, tiens, pour faire languir le lecteur. Il est toujours bon de ménager le suspense, ha ha ! Je suis impitoyable, n’est-ce pas ?

Alors, globalement, je suis le même. Scolairement parlant (ce qui est la partie la moins intéressante de ma vie et de mon individu), je suis en terminale. « ES », pour ceux qui aiment les détails. Je ne suis pas dans la classe de S* et B*, par contre je suis dans celle de M*. Je suis le premier de la classe, mais ça, on s’en fout.

Artistiquement parlant (les grands mots ! « artiste » ! n’ayons pas peur du titre ronflant : si je ne me le donne pas moi-même, qui le fera ?), je dessine toujours. Après La rencontre avec Jean-Pierre, j’ai dessiné une nouvelle « Journée dans la vie d’Anatole Lebrun » : Un ornithorynque pas comme les autres, où j’ai introduit Torink (sans le nommer toutefois). Entre les deux histoires, j’ai aussi dessiné Le petit déjeuner du lundi matin (et autres petits déjeuners), mais je crois que j’en ai vaguement parlé ici, non ? Il faudra que je vérifie. Dernièrement, j’ai réalisé une version longue des Vacances de Torink, entièrement redessinée ; ce serait éventuellement un petit album, que distribuerait C* et son association (rien n’est plus incertain, en fait ; je pense que j’aurai l’occasion d’en reparler).

Sinon, à quoi j’occupe mon temps ? Je suis toujours aussi peu passionné par les sorties entre copains. En revanche, je lis à un rythme assez soutenu, pris cet été. C’est très bien. Je vais régulièrement au cinéma, avec maman ou avec S*.

Sinon, le point qui me paraissait important et que j’évoquais plus haut, et que vous attendiez, petits impatients, c’est ceci : j’ai découvert que j’étais homosexuel, ou du moins j’ai de sérieuses raisons de le penser.

(Ah, du détail croustillant ! Vous n’attendez que ça, hein ! Malheureusement, vous ne trouverez pas grand-chose à vous mettre sous la dent, puisque tout ceci reste dans le domaine purement abstrait et théorique. Je suis toujours inexpérimenté, pour ce qui est des choses de l’amour. Eh oui, je lis la déception sur vos visages, bande de lecteurs voyeurs. Fin de la parenthèse.)

J’avais des doutes depuis quelques temps. Disons… fin de l’année de première ? Allez, oui. Puis, le jour de la rentrée de terminale (ou, pour être précis, le premier jour de cours), j’ai eu une sorte de confirmation en voyant un type de ma classe qui m’a réellement tapé dans l’œil, et qui a occupé mes pensées un bon bout de temps. Il est quasiment oublié, maintenant. J’ai tout fait pour. Tant qu’il ne me regarde pas avec ses yeux… – Un nom ! Un nom ! – Ah, vous êtes tous les mêmes ! Non, vous n’aurez rien. – Oh… (déception). – Allez, si. – Ah… ! (ravissement). – Il s’appelle Étienne. Et ça change quoi ?

Cette découverte m’a franchement déprimé. Longtemps. Et c’est pas vraiment fini. Réfléchissez un peu : être homo, ça présente de nombreux inconvénients, quand on sait que très peu d’autres garçons le sont : dans ce cas, où trouver l’âme sœur ? Ah, je suis trop romantique. Je disais donc : ça m’a déprimé. Jusqu’à il y a dix jours, en fait. Jusqu’au moment où je me suis décidé à en parler à quelqu’un. Riri le Clown fut mon porte-parole. C’est un personnage de BD à la con que je m’amuse quelquefois à envoyer, par mail, à B*. Des BD de quelques cases, griffonnées sur un coin de table. C’est généralement très con, mais ça me fait marrer et B* aussi. Alors, cette fois, j’ai fait un Riri le Clown sérieux. Riri expliquait son malaise d’aimer les clowns, alors que les autres clowns, eux, aiment les clownettes. Vous apprécierez la subtile métaphore. J’ai envoyé ça à B*, le vendredi soir, juste avant les vacances. Le samedi matin, au lycée, j’ai commencé à flipper en attendant sa réaction. Et, à la fin des cours, à 10h30, je l’ai vu dans la cour. Je n’ai pas osé aller le voir. C’est lui qui m’a vu. Il m’a fait un grand sourire, amusé, je crois. Il m’a dit : « Et alors ? Tu ne me serres pas la main ce matin ? » Et là, je me suis senti terriblement bien. Ça m’a causé une impression très forte, vraiment, ça m’a fait plaisir. Et un poids d’environ deux cent cinquante kilos s’est envolé d’un coup. Et j’ai dû faire un grand sourire, j’en suis sûr. Je lui ai demandé si mon message ne l’avait pas gêné ; il m’a dit non, pas du tout. Puis, on n’en a plus parlé, puisqu’on n’était pas seuls. On a causé de choses et d’autres, avec le reste du groupe. Et à la fin, au moment de se séparer, quand chacun est rentré chez soi pour les vacances, il m’a dit, sur un ton un peu timide, mais sincère et sérieux : « Si tu veux qu’on en parle… » Ça m’a fait un bien fou. Je ne sais pas si j’aurai envie d’en parler, mais je sais que je peux le faire. C’est là l’important. Depuis, je vais vachement bien. Je ne sais pas si c’est seulement ça, mais ça a dû aider. Merci, B* ! Merci, merci ! Tu es vraiment un ami !

À propos de B*… Parfois, je suis inquiet, en pensant à lui. Je me demande ce que je ressens vraiment pour lui… Maintenant que je crois être homo, je me demande si je n’aurais pas une certaine attirance pour lui ? Ce serait vraiment trop con ! Mais pourtant… Physiquement, il me plaît bien, mais vu comme il est foutu, de toute façon, ce serait difficile de dire le contraire… Et je trouve tellement que c’est un type formidable ! Bon. N’y pensons plus. Ça va passer.

N’empêche que, B*, il ne laisse personne indifférent. Même S* s’est intéressée à lui ! Mais ça n’a pas marché pour elle. Et B*, lui, est toujours seul, alors que toutes les filles sont folles de lui. Enfin, peut-être pas pour longtemps. On a l’impression qu’il se trame quelque chose entre lui et M* (elle n’est plus avec son copain, après trois ans)… J’aimerais bien en savoir plus. Ah, la curiosité ! Si ça se trouve, à moi, il voudrait bien me répondre, après les confidences que je lui ai faites ? Hum, c’est à voir.

À propos d’Étienne : j’ai dit que je l’évitais. Oui. Et ce, depuis une soirée organisée chez lui, où j’étais allé, pour une fois (il y a très souvent des soirées, mais ça ne m’intéresse pas, en général c’est pour boire et fumer jusqu’à 4 heures du mat’… Cette fois, j’avais dit oui, et j’étais parti à minuit). Ce soir-là, je me suis rendu compte que, en plus d’être bien physiquement (je ne sais pas à quoi ça tient, mais c’est vrai), il était intéressant. Alors, ça s’est compliqué. Tant qu’il était seulement un beau mec à mater en classe, ça va. Mais, s’il devient un mec intéressant, ça devient dangereux. Donc j’ai décidé de l’éviter, et je commence à être immunisé. Bien sûr, je fais une rechute lorsqu’il me regarde dans les yeux, avec ce regard terrible qu’il a, ou quand il fait un de ces sourires dont il a le secret (quelle midinette je fais), mais, bon, ça va mieux. D’autant plus qu’il s’est trouvé une nana (ce qui n’est pas une déception pour moi, puisqu’il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’il puisse s’intéresser à quelqu’un d’autre qu’à une fille, mais je dois avouer que je n’aime pas beaucoup les voir s’embrasser…)

Voilà. En ce moment, je suis dans une phase où ça m’amuse, plus que ne me déprime. Car ça a de bons côtés, aussi, d’être homo. Tu peux mater les mecs en toute impunité, puisque personne ne se doute que ça te plaît de voir les autres en caleçon dans les vestiaires de sport… Tu peux déconner avec les copains, mais à condition que l’un d’eux soit au courant : je vois ça d’ici, quand on parlera de filles ou de mecs, les regards pleins de sous-entendus que me lancerait B*… Oui, cette complicité me plairait. Mais peut-être que ça lui pèse, à lui, d’être le seul à savoir ? Le pauvre, je lui impose ça, il ne l’a pas voulu…

Ça, c’est quand le grand monde n’est pas encore au courant. Quand c’est officiel, les avantages sont autres. Déjà, tu fais le vide autour de toi. Les cons réacs ne te fréquentent plus, ce qui est une bonne chose. Et tu peux éveiller des vocations dans ton entourage : si un autre mec est dans le même cas, mais n’ose pas en parler, ça peut lui en donner le courage. Moi, c’est ça mon problème : je ne connais pas un seul homo ! Ce serait tellement plus simple… J’en connais probablement, mais qui ne le disent pas. Comme moi.

Enfin, je dis tout ça, mais… si ça se trouve, je me trompe. Peut-être ne suis-je qu’hétéro, comme tout le monde, et que je traverse une période de doute. Mouais, mouais… Tout de même. Pour ça, il y a un test très simple. Je me balade dans la rue, sans y penser. Une belle fille passe : je ne la vois même pas. Un mec passe : je regarde. Avant, c’était déjà le cas et, naïvement, savez-vous ce que j’imaginais ? « Si je ne mate jamais les nanas, c’est parce que je suis encore jeune ; je suis certes un peu en retard, mais ça viendra quand ça viendra… Et si je mate les mecs sur la plage, c’est pour me comparer, pour m’identifier aux autres, moi qui traverse ces changements difficiles de l’adolescence… » Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

Il est 21h39, j’écris depuis une heure. Il est temps d’arrêter, ou mon stylo va râler et exiger le paiement de ses heures supplémentaires. Voilà qu’il a des revendications syndicales, maintenant ! Dans quel monde vivons-nous, ma bonne dame ? Tout fout l’camp.

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no2 (Angoisse du doute, malaise de la certitude, 15 juillet 2004 – 17 janvier 2005), j’ai seize ans.

Vendredi 30 juillet 2004

15 h 57. Ça fait un bout de temps que je n’ai pas écrit ici. C’est parce que j’étais très occupé. Et puis, surtout, c’est parce que, si je n’ai pas envie d’écrire, il n’y a pas de raison que j’écrive.

Benoît est revenu de vacances, alors on s’est vus un peu. J’ai été chez lui, il est venu chez moi. Une fois, on a été à Saint-Germain ensemble.

S* aussi est revenue. On s’est vus hier. Là, il faut que je raconte. On s’est fait une super sortie à Paris. On s’est retrouvés à 10 heures pour prendre le RER, direction Montmartre. Je n’y avais jamais été ; elle, un peu. Bien sûr, nous sommes montés au Sacré-Cœur. Il me semblait que cette butte avait la réputation d’être épuisante à monter ? Pourtant, non, il n’y a pas tant de marches que ça. Sur les marches, on s’est fait arrêter par deux Sénégalais qui voulaient nous vendre des bracelets. Comme je suis un peu pigeon, je les ai laissés parler. Finalement, ils ont filé l’un des bracelets à S* (ce que je connais sous le nom de « bracelets brésiliens » en fils de coton tissés), elle était contente, alors je n’ai peut-être pas eu tort… Après, nous sommes allés à l’intérieur du Sacré-Cœur, mais bon, il n’y a pas grand-chose à y voir. Par contre, j’ai trouvé très irrespectueux certains touristes qui gardaient leu chapeau – en plus, il y avait une messe. Moi qui ne suis pas croyant, je respecte quand même.

Ensuite, on a été voir la place du Tertre, mais c’est vrai que c’est envahi de pièges à touristes… Il y a ces dizaines de peintres, portraitistes, caricaturistes… Certains sont bons, d’ailleurs.

On a descendu la rue Lepic (on n’a pas trouvé le café d’Amélie Poulain ! S* est fan…) pour se retrouver au point de départ. Là, on s’est demandé : « On fait quoi, maintenant ? » On a décidé d’aller faire un tour ailleurs. On est descendus dans le 9e, vers l’Opéra. On a pris la rue de la Paix (où je me suis fait plumer tant de fois au Monopoly), puis la place Vendôme. Et la rue de Rivoli, jusqu’aux Champs-Élysées. On est rentrés par le RER de l’Étoile : ça nous a fait faire un sacré tour. J’ai passé une très bonne journée. Mais on a bien fait de partir tôt le matin, parce qu’après il faisait vraiment une chaleur dingue.

Quand je pense qu’on part en vacances demain ! Le weekend le plus encombré sur les routes, avec un soleil de trente degrés… On fera le trajet en deux fois, ce qui veut dire qu’on s’arrêtera demain soir, passer la nuit quelque part. Quant à Juline, elle part ce soir en train avec ses copines. Train-couchettes. Moi, ça ne me plairait pas beaucoup, mais c’est le plus pratique. Ça me rappelle quand on est partis au Grau-d’Agde avec papa, c’était un train-couchettes aussi.

J’ai préparé mes petites affaires. Principalement des bouquins, des feuilles pour écrire et dessiner, et ma trousse. La valise, on la fera ce soir.

J’ai lu Cercle vicieux. C’est terrible ! J’adore. Quand je l’ai fini, je n’en revenais pas, tellement c’est bien foutu. Il y a trente pages de six cases, soit deux fois quinze pages, puisqu’ensuite on reprend les mêmes cases en sens inverse. C’est génial. Là, j’ai commandé Pervenche et Victor, du même Lécroart. Mais ils ne l’ont pas encore reçu : je ne l’aurai pas pour les vacances, tant pis. En ce moment, je me passionne pour l’Oubapo (Ouvroir de bande dessinée potentielle), dont fait partie Lécroart. Il y a aussi Trondheim, que j’adore. Ils font plein de trucs dingues comme ça. C’est l’équivalent BD de l’Oulipo, auquel appartient Perec (que j’adore aussi : on le saura) ou Queneau (dont j’ai lu les Exercices de style).

En vacances, j’emporte La vie mode d’emploi, Les fourmis et Monsieur Malaussène. J’aime bien les Malaussène de Pennac, ça se lit bien, c’est facile. J’en ai déjà lu trois.

Mme J* a répondu au mail que je lui ai envoyé. Je suis content, parce que vraiment je l’aime bien. Elle m’a dit de féliciter Juline pour son bac. Elle me demande ce que je pense de Farenheit 9/11. Ça tombe bien, j’ai plein de choses à en dire.

Je ne crois pas l’avoir déjà dit ici : j’ai envoyé deux longs mails à B*. Je sais bien qu’il est en vacances, mais justement. Comme ça, je peux lui raconter ce que je veux, je ne serai pas là quand il le lira. Enfin, bon, je dis ça, mais il n’y a rien d’intime dans ces mails. Je lui ai écrit que je « racontais ma vie », mais bon… ! En fait, je lui raconte mes journées, en gros. J’aime vraiment bien ce type. Pourtant, c’est vrai, et je l’ai déjà dit ici, que je ne le connais pas bien, vu qu’il n’est pas du genre causant. Mais voilà.

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no2 (Angoisse du doute, malaise de la certitude, 15 juillet 2004 – 17 janvier 2005), j’ai seize ans.

Jeudi 15 juillet 2004

Je m’apprêtais à écrire et je m’aperçois qu’il n’y a plus qu’une page dans ce carnet. Alors, je vais en commencer un autre. Déjà un carnet plein ! Si je continue à ce rythme, je vais vite en avoir pas mal, des petits carnets. Ça me fera de la lecture pour mes vieux jours, ha ha ! Allez, zou. J’arrête celui-ci. Et j’écris la date de fin sur la première page.


Et voilà : je commence mon deuxième carnet. Celui-ci, je l’ai eu avant l’autre (le premier). J’ai donc écrit d’abord dans le plus récent. Celui-ci est un cadeau de F* d’il y a longtemps, quand j’étais petit… Pour un Noël peut-être (oui, ça ne peut être que ça). Dedans, il y avait une enveloppe sur laquelle était écrit « Pour nous écrire de belles histoires… » Tu parles ! Le carnet est resté vierge pendant des années ! À l’origine, il y a dû avoir un petit billet dans cette enveloppe… Toujours est-il que la première page était déjà remplie, parce que j’avais entrepris de redessiner ici, en 2000, une BD faite l’année précédente dans un cahier. Je n’ai jamais été plus loin que la première page. Il y a cinq minutes, je l’ai retirée (hop, un petit coup de cutter !) pour que le carnet redevienne vierge.

Il n’y a pas de lignes dans ce carnet. J’ai tracé des lignes sur un papier que je glisse derrière ma page, et je les suis par transparence pour écrire droit. À la papeterie de l’Univers du livre, j’ai cherché un carnet ligné, mais j’ai pas trouvé. Soit ce sont des carnets genre « journal intime de fille gnangnan » avec des fleurs ; soit des carnets rigolos avec des dessins ; soit (et ça se rapproche alors de lui dans lequel je suis en train d’écrire) des carnets avec une belle couverture, et ça coûte alors les yeux de la tête.

Parce que j’ai été à Saint-Germain aujourd’hui, oui. Je me suis acheté La vie mode d’emploi, le « romans » de Georges Perec (encore lui). Ça a l’air diabolique, encore, comme bouquin. Mais j’en parlerai quand je l’aurai lu. J’ai commandé Cercle vicieux, une BD de Lécroart en palindrome. J’ai hâte de voir ça… (Je voulais commander, une fois de plus, J’existe, je me suis rencontré, mais je crois que c’est foutu, il est toujours indisponible. Pour toujours ?)

En ce moment, je lis Les Ritals de Cavanna, piqué sur l’étagère de l’entrée et, en parallèle, les nouvelles des Fourmis de Vian, qui vient de la même étagère. Juline m’a emprunté 1984, je ne sais pas si elle va le lire jusqu’au bout, mais ce serait bien, parce que vraiment c’est un chef d’œuvre.

J’avais dit ici ce que je pensais du roman de R*. Eh bien, je lui en ai parlé et je suis content de savoir qu’il est en train d’écrire une suite. Je ne sais pas quand il aura fini. Il ne le sait pas lui-même. Il écrit à son rythme, quand il en a le temps. (Au fait : il s’agit bien d’un roman, pas d’une autobiographie ! Ouf ! Seuls le cadre et quelques personnages sont authentiques).

Samedi soir, on a donc été chez R* et M*. Il y avait également G* et son petit N*. J’adore voir les tout petits bébés mignons. Je comprends qu’on puisse devenir gâteux et gnangnan. Mais c’est chiant, aussi. Ça pleure tout le temps. À la fin (mais très rapidement), nous avons vu T*, le mari de G*. Enfin, son futur. Ils vont se marier en mai 2005 (le 21, il me semble). C’est prévu très en avance ! et on est invités.

R* a mis en ligne son nouveau site. À cette occasion, on s’est échangés quelques mails pendant le weekend. Je lui ai envoyé un Torink dessiné à la palette graphique, qui voit le Piaf sortir de son écran, alors il m’a dessiné Torink entouré de ses personnages à lui. Son dessin est super.

À propos de mail : j’ai écrit à Mme L*, ma prof de français, pour lui dire mes notes du bac. Et à la prof de SVT, pareil, mais ça ne marche pas. L’adresse doit être mauvaise.

Puis, j’ai écrit à M. H*. Une vraie lettre, avec un timbre. Je ne sais pas si j’ai déjà parlé de lui ici. C’était mon prof de musique au collège, un type incroyable. Un vrai artiste déjanté. Un peu bizarre (très). Plein d’idées tout le temps. Je l’aimais bien, et lui aussi m’aimait bien. L’an dernier, je l’ai vu au collège, deux fois : on était venus avec Benoît, lors du Téléthon, puis à la fin de l’année juste pour faire un petit bonjour. Mais cette année, rien. Je ne l’ai donc pas vu depuis un an, alors je lui écris pour lui montrer que je ne l’oublie pas. Je pense que ça lui fera plaisir. À part lui, j’ai gardé contact avec Mme J*, ma prof d’histoire-géo. On se maile de temps en temps.

Hier, c’était le 14-Juillet. À 11 heures à la mairie, il y avait une ch’tite cérémonie pour les nouveaux bacheliers. Juline a reçu son chèque-cadeau de quarante-six euros. C’est bien, de faire ça. Peut-être la seule bonne chose que fait le maire, ha ha.

Tout à l’heure à Saint-Germain, un jeune m’a arrêté dans la rue. Il vendait des cartes postales pour aider des gamins à partir en vacances. Je n’aime pas ça. Je n’ai rien donné, parce que je n’ai pas assez d’argent pour ça. D’un autre côté, je me dis que je suis radin. Le plus souvent, quand je vois des gens comme ça, je les évite, pour ne pas culpabiliser ensuite. C’est vrai, quoi ! Ce n’est pas à moi de donner. Nous aussi, on a du mal à partir en vacances. C’est aux riches de donner.

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no2 (Angoisse du doute, malaise de la certitude, 15 juillet 2004 – 17 janvier 2005), j’ai seize ans.

Samedi 10 juillet 2004

J’ai été jeudi soir au cinéma Louis-Jouvet de Chatou, avec S* et Marion, sa copine du karaté que je ne connaissais pas, pour voir Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. On se prend ce film en pleine figure. On rit beaucoup, bien sûr, mais on rit jaune. On rit des conneries de Bush, le maître du monde, mais c’est terrifiant de voir qu’un type pareil a autant de pouvoir. Moore nous démontre ce qu’on savait déjà, c’est-à-dire que c’est un sale type, un terrifiant magouilleur. Tout son pouvoir est fondé sur le fric. On découvre les liens entre le clan Bush et le clan Ben Laden, et ça fait froid dans le dos. Et puis, il entreprend de nous expliquer ce qui pousse des pauvres bougres, comme ceux qu’on voit à la télé, à risquer leur vie en Irak. Ils ont dix-huit ou dix-neuf ans et voient dans l’armée le seul moyen de sortir de leur misère. À quel prix ? La salle était pleine, les gens ont applaudi à la fin du film. J’espère qu’il sera utile et que cette crapule ne sera pas réélue.

Mercredi 7, c’était le résultat des épreuves anticipées du bac. Pour les consulter sur Internet, il fallait payer, alors j’ai été sur le Minitel. Bien sûr, c’est très cher aussi. Et donc : mes notes. Je suis un peu déçu, sauf de l’oral de français : 17. Je trouve qu’une bonne note à l’oral est plus gratifiante qu’à l’écrit, parce que c’est vraiment moi qu’on a noté. À l’écrit, je n’ai eu que 13. Comme je l’ai déjà écrit ici, c’est vrai que mon devoir était bancal, je ne méritais pas plus, mais je suis déçu quand même. Je suis surtout déçu par les SVT : 13 aussi. Pourtant, j’ai trouvé ça si facile ! Moi qui ai toujours 17 en classe. En plus, d’après le corrigé trouvé sur Internet, j’avais écrit tout ce qu’il fallait. Je ne comprends pas, mais tant pis. S* a eu, dans le même ordre : 18, 11 et 15.

Lundi, mardi et mercredi, je suis resté enfermé à la maison et j’ai bossé comme un fou. N’allez pas croire que j’ai bossé, dans le sens : bosser. Non, non, non. Lundi après-midi, j’ai eu envie de me lancer dans une nouvelle BD. Je me suis dit que ce serait une BD au dessin rapide et au scénario un peu délirant, qui ferait beaucoup de pages. Je voulais qu’elle soit improvisée. Alors, j’ai commencé. J’ai pris une feuille A4 toute bête, j’ai tracé douze cases (quatre bandes de trois). Mon personnage se lève, prend son petit déjeuner, se lave, s’habille, sort de chez lui pour aller bosser… Que pourrais-je bien lui faire faire ?… Et puis, j’ai trouvé toutes mes idées. J’ai dessiné les quatre premières planches cet après-midi-là, puis six le lendemain et six mercredi. Soit seize planches abattues en trois jours ! Je suis fier de moi. Cette BD me fait marrer quand je la lis. Le résultat, c’est : Une journée dans la vie d’Anatole Lebrun : La rencontre avec Jean-Pierre.

Ce soir, on va chez R* et M*, je leur en donnerai un exemplaire. J’ai fait une couverture en couleurs (merci Photoshop) avec une feuille A3 pliée, et je glisse dedans les huit pages recto-verso.

J’ai lu son roman, à R*. Samedi, ils ont appelé pour nous inviter, et ça m’est revenu : « Zut, je n’ai pas lu son bouquin ! » Et je m’y suis mis. Mais je n’ai pas eu besoin de me forcer : j’ai adoré ! Il est passionnant. C’est très bien écrit – même s’il y a quelques fautes d’orthographe, mais ce n’est pas grave. Les personnages sont tous attachants et, preuve que c’est bien écrit, on les comprend, on s’identifie. On ne les juge pas, malgré ce qu’ils font. Et l’histoire est terrible : il s’en passe, des choses. Et la construction est originale : le personnage principal est dans le coma et on assiste à un dialogue avec son esprit. Il est entre la vie et la mort, il tente de se remémorer sa vie pour y retourner. Ce dialogue introduit et conclue chaque chapitre. Les chapitres relatent une semaine d’avril 56, dans la banlieue est de Paris, dans le quotidien de misère d’une bande de potes. Mais… à propos de ces événements… il y a quelque chose qui m’intrigue. Ce roman est censé être autobiographique. R* aurait vraiment vécu tout ça ? C’est sûrement un peu romancé, mais tout de même : les événements sont là. Sont-ils vrais ? Ça va très loin : il a des meurtres, à la fin ! Il faudra que je le lui demande. Mais, apparemment, il n’aime pas du tout qu’on lui parle de ce qu’il écrit.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.

Dimanche 4 juillet 2004

Grande nouvelle : Juline a eu son bac ! C’est génial ! Presque un miracle. Elle l’a eu de justesse (10,48 sur 20), mais c’est pas grave, l’important c’est qu’elle l’ait eu. Bravo !

On a eu les résultats vendredi. Juline travaillait chez Axa, donc c’est ses copines qui ont été voir pour elle et qui lui ont téléphoné. Le soir, elle a été voir quand même, parce qu’il fallait qu’elle récupère son dossier et son relevé de notes. C’est super. Maintenant, elle va aller à la fac, faire des arts plastiques. C’est à Saint-Denis : c’est pas la porte à côté, mais il n’y avait pas plus pratique. Ce qui est bien, c’est que, pour elle, la rentrée est en octobre. Elle a encore trois mois de vacances.

Je crois que je n’aurai mes notes du bac que mercredi, moi, sur Internet. Sinon, il faut attendre de les recevoir par la poste, vers le 14 juillet.

Comme elle a eu son bac, Juline va recevoir un chèque-cadeau de quarante-six euros de la part de la Ville, pendant la cérémonie du 14-Juillet, avec tous les bacheliers alpicois de l’année. Pour une fois, rien à dire : la mairie a eu une bonne idée. Ça motive pour avoir son bac : rien de tel que l’argent.

Il est 11 heures, maman est partie chercher Juline chez sa copine C*, où elle a passé la nuit avec deux autres copines : C* et C*, je crois (à moins qu’il n’y ait L* ?). Elles ont fêté leur bac ! Maman leur a acheté à chacune une grosse sucette en forme de lapin, souris, etc., faite avec des gros bonbons. C’est exactement leur genre : elles sont du genre à adorer Winnie l’ourson ou Nemo et à aller à Disneyland.

Maman a trouvé ces sucettes à Saint-Germain hier, on y était ensemble. J’ai acheté le nouveau Lapinot : La vie comme elle vient. Je l’ai lu immédiatement en rentrant. Quand j’ai fini, j’étais tout retourné. C’est très fort, cet album. L’émotion. Je n’avais encore jamais vu ça dans Lapinot. Cet album est très drôle par moments, mais aussi très triste. Il est bien construit (on suit plusieurs personnages à la fois), il y a même du suspense. La fin m’a bouleversé. Franchement. Lapinot est mort. Je ne m’y attendais vraiment pas.

Jeudi 1er juillet : Pif ressort. Le mythique Pif Gadget. Je me précipite chez mon marchand de journaux : il ne l’a pas encore reçu. Je vais en voir un autre : pareil. Bon, je reviens le lendemain, et : « Je n’en ai plus. » Alors, vite, je vais chez l’autre : « J’ai été dévalisé. » Où vais-je pouvoir le trouver ? Ce n’est pas étonnant qu’ils soient déjà en rupture de stock, des milliers de fans ont dû se l’arracher. Je vais à la grande Maison de la presse du Vésinet : ils en ont encore une pile. Sauvé ! J’en aurai fait, des kilomètres. Le canard a l’air sympa, même si c’est plutôt pour les gamins. Par contre, je ne sais pas trop quoi faire du gadget. Ce sont des « pifises », c’est-à-dire des Artemias : des bébêtes en sachet, qu’on élève dans l’eau. L’aquarium en plastique est fourni, la nourriture aussi.

À la bibliothèque, j’ai pris L’année de l’éveil de Charles Juliet, l’auteur de Lambeaux qu’on a lu pour le cours de français. C’est encore autobiographique. S* a lu L’inattendu, un autre de ses livres, qu’elle a trouvé très bien.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.

Lundi 28 juin 2004

Presque juillet. Finalement, le mois de juin n’était pas si long.

Aujourd’hui, j’ai appelé Benoît. Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vus et je savais qu’il partait bientôt en vacances, j’aurais bien aimé qu’on se voit avant. Zut ! Quand je l’ai appelé, il allait sortir de chez lui pour passer son oral de français. C’est vrai qu’il est en S, lui… Moi, ça fait longtemps que j’ai passé mon oral. Enfin, bref, on a causé dix minutes. Il m’a dit que ce serait difficile qu’on se voit avant son départ, vendredi… Tant pis.

B*, lui, c’est pareil : il ne va pas tarder à partir. Mais, de toute façon, on ne s’est jamais vus pendant les vacances. En fait, on s’est juste causés de temps en temps sur Internet. D’ailleurs, je lui ai demandé qu’il m’écrive une carte postale… Il m’a répondu : « Ouh là là, surtout pas ! Si tu es un ami, ne me demande pas une chose pareille ! » Il a horreur d’écrire. C’est pas étonnant. Déjà qu’il n’est pas très causant… Par contre, j’ai bien apprécié le mot « ami » dans sa phrase. C’est tout à fait anodin, ça n’a l’air de rien, mais ça veut bien dire quelque chose…

S* part vers le 14 juillet. Alors, d’ici là, j’imagine qu’on va se voir. On fait souvent des choses ensemble, c’est bien. Hier, on s’est fait un cinoche : Le rôle de sa vie. J’avais envie de le voir, et c’est elle qui me l’a proposé : nos goûts se rejoignent. J’ai bien aimé. Ce weekend, S* va à un mariage dans sa famille. C’est un mariage, genre, tous les mecs en pingouins, et chapeau obligatoire pour les dames ! Plein d’invités et pas n’importe qui : énarques, généraux et duchesses. Le dernier endroit où j’aurais envie de mettre les pieds. Même elle, elle n’en a pas envie plus que ça.

Je m’aperçois que je suis en train de faire une revue de mes amis ou copains. Ce n’était pas voulu, mais on peut continuer, pourquoi pas. W* part aussi, dès cette semaine. Il faut que je demande son adresse à S*, je lui écrirai quand je serai parti. M* : tiens, à elle aussi, je pense que j’écrirai. J’ai déjà son adresse. J’ai croisé M* à la Défense vendredi dernier. Si ça se trouve, je l’ai déjà dit, alors vous allez penser que c’est super important, mais non, pourtant. Si j’écris autant de détails peu importants (j’allais dire « insignifiants », mais ça n’est pas sympa), c’est parce que ça m’occupe. Je l’ai croisée, elle était avec son copain. Elle dit : son « mec ». Je n’aime pas trop cette expression, mais elle a l’avantage d’être moins ambiguë que « copain ».

J’aime bien écrire aux copains pendant les vacances. Ça a plein d’avantages. Un : ça occupe. Deux : ça fait plaisir à ceux qui reçoivent le courrier. Trois : ça me fait plaisir à moi qui aime écrire et dessiner. Quatre : je recevrai sûrement une carte en retour. Par contre, je préfère souvent écrire une lettre qu’une carte postale. Sur une carte, il n’y a pas assez de place, alors j’écris des conneries du genre : « Il fait beau, je m’éclate, à bientôt. » En revanche, sur une feuille de papier blanc, j’ai toute la place que je veux, j’écris ce que je veux.

Hier, j’ai fini L’herbe rouge de Boris Vian, et les trois nouvelles qui suivent. C’est… comment dire ? J’aurais voulu trouver un mot pour dire ce que je pense des bouquins de Boris Vian (j’ai déjà lu L’écume des jours et L’arrache-cœur ; et un Vernon Sullivan, J’irai cracher sur vos tombes, mais c’est très différent). Je préfère ne rien dire, plutôt qu’une banalité, genre « génial » ou « formidable ».

Aujourd’hui, j’ai lu Marius d’une traite, et commencé Fanny. Pagnol. C’est toujours aussi… (je ne dis rien, encore une fois). Rien que pour l’ambiance, j’adore. Je le lis dans ma tête, avec l’accent. J’ai vu qu’ils repassaient Marius, Fanny et César à la télé la semaine prochaine. J’ai déjà vu La fille du puisatier.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.

Samedi 26 juin 2004

Dimanche dernier, je me suis levé à 5h30. On est partis de la maison une heure plus tard, pour arriver à 7 heures. La voiture était pleine à craquer. Il y avait des cartons jusqu’en haut. Heureusement que Juline n’est pas venue, parce qu’il n’y aurait pas eu de place pour elle. Même moi, à l’avant, j’avais un machin sous les pieds et un bidule sur les genoux ! À cette heure-ci, il n’y a encore personne sur les routes. On aurait été de vrais dangers publics.

Continuer la lecture

Samedi 19 juin 2004

Mercredi à 14 heures, c’est le bac de français, l’oral. Maman m’accompagnera. Je viens juste de finir ma dernière fiche, sur le dernier texte, c’est-à-dire le chapitre XXX de Candide. C’est chiant. Je ne suis pas motivé pour bosser. Mais ça va, je les connais plutôt bien, mes textes. Et Juline m’aide : elle me fait réviser. C’est sympa. Moi-même, je l’avais aidée pour ses propres révisions. Mais elle, c’est moins sûr qu’elle ait réussi ses épreuves… Je pense qu’elle aura son bac quand même.

Demain, on fait la brocante. Il devrait faire beau, mais la météo change tout le temps d’avis… Aujourd’hui, temps vraiment pourri : flotte, flotte, flotte. On doit arriver tôt pour tout installer : à 7 heures. J’espère qu’on vendra bien. J’espère aussi que je trouverai des merveilles à acheter. Du point de vue financier, je suis à sec. J’ai même dû emprunter dix euros à maman. Mais je devrais gagner un peu de thune demain. Au pire, j’en retire à la Caisse d’épargne. Je dépense pas mal en ce moment. Samedi dernier, à la brocante du Pecq, j’ai acheté quatre Or Série Fluide pour trois euros cinquante (ouah l’autre, des centimes ! le gars aurait pu me les laisser pour trois, quand même !), puis La vie passionnée de Thérèse d’Avila de Bretécher pour un euro. Et enfin, un gros bouquin sur l’histoire de la BD. La fille en demandait vingt-trois euros, je l’ai eu pour douze cinquante (oui, « cinquante », et je lui ai refilé les centimes du premier gars). Dimanche, j’ai été voir Poids léger au cinéma avec S* : hop, encore cinq euros de moins. Pendant la semaine aussi, j’ai pas mal dépensé. Mardi, à la grande Maison de la presse du Vésinet (elle est géniale), parce que ma presse habituelle, au rond-point, était fermée. J’ai acheté Charlie Hebdo. Depuis trois, quatre semaines, j’aime bien l’acheter. Ils me font bien marrer. Et puis, Bandes Dessinées Magazine, c’est nouveau, c’est cool, c’est très focalisé sur les auteurs. Par contre, c’est cher (presque six euros), mais ça va, puisque c’est un bimestriel. Je vais m’abonner à Fluide, j’ai reçu une offre intéressante. J’aimais bien l’acheter à la presse, mais ça me fera faire des économies.

Dimanche, aux élections européennes : 57 % d’abstention. Quel foutage de gueule. On dit que les gens ne s’y intéressent pas, mais ce n’est pas étonnant : les journalistes s’en foutent. À peine si les chaînes de télé ont organisé des soirées électorales. Et celles qui l’ont fait (sur le service public) ont coupé la parole aux invités pour commenter les résultats du foot… Bon, d’accord, la France a gagné un match de l’Euro, mais ce n’est quand même pas plus important que des élections ! La démocratie, tout le monde s’en fout.

La gauche a gagné, en France, mais Raffarin reste. Tous les ministres restent, tels quels. Et tout le monde s’en fout.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.

Vendredi 11 juin 2004

J’ai passé hier mon bac de SVT (c’était assez facile, je pense que j’ai assuré) et, ce matin, de français.

Depuis la fin des cours (le mardi 2 juin), on mange quand même à la cantine tous les midis avec S*, et W* qui nous rejoint. Il n’y a pas beaucoup de monde (en fait, pratiquement personne). Hier, par contre, S* n’a pas voulu venir, parce qu’il y avait le bac juste après, à 14 heures, et que ça allait la « faire stresser ». J’avais pensé ne pas venir non plus, alors. Mais B* m’a appelé le matin même pour me dire qu’il comptait y aller, alors on s’est retrouvés au lycée à 12h30 pour manger ensemble. Puis on a traîné avec Adeline et Pauline, des copines de B*, en attendant le bac. Il a fallu sortir du lycée à 13h30 pour y rentrer de nouveau en montrant nos convocations et nos cartes d’identité. Puis, l’épreuve. À la sortie, tout le monde ne parle que de ça, et demande aux autres « Tu as fait quoi, toi ? » (et ça énerve B*, qui préfère ne plus en parler). Ce matin, rebelote, sauf que l’épreuve de français dure quatre heures, au lieu d’une heure et demie pour les SVT. Je suis sorti au bout de trois heures et quart, et j’ai fait un effort, parce que d’habitude je mets moins de temps que ça. J’ai choisi le commentaire : un extrait de Rhinocéros de Ionesco… pourquoi pas. Dès que j’ai lu les trois sujets, j’ai tout de suite passé à la trappe la dissertation et l’invention. Pas intéressants. Je pense que j’ai réussi le commentaire. J’ai regardé les corrigés sur Internet : ça n’a rien à voir avec ce que j’ai fait, aucun rapport, mais je ne me soucie pas trop pour autant.

L’après-midi, j’ai été à la bibliothèque. Je lis pas mal, en ce moment. Aux dernières nouvelles, j’ai écrit que je lisais Proust et que je trouvais ça passionnant : je suis toujours du même avis, mais j’ai laissé tomber au bout de cent pages. C’est trop dense, trop prise de tête. J’ai lu Le der des ders de Daeninckx, choisi parmi la multitude de Série Noire qu’on a à la maison. Pourquoi celui-là ? Parce que c’est un roman que Tardi a adapté en BD (même si je n’ai pas lu cet album). À la fin, le salaud reste impuni. Selon la même logique (les dessins de Tardi), j’ai choisi ensuite Au bonheur des ogres de Pennac, c’est le premier d’une série. J’adore. Les personnages sont attachants, l’intrigue policière me plaît. J’ai donc pris le deuxième aujourd’hui : La fée carabine et l’ai commencé aussitôt. J’ai prêté à S* Love Story : elle ne l’a pas encore lu, je suis sûr qu’elle va aimer, il se lit vite, il est riche en émotions.

Demain et dimanche, c’est la brocante sous le pont du Pecq, je l’attends toujours avec impatience. Il n’y a que dans les brocantes que je trouve certaines BD ou des vieux numéros de Fluide ou de Pilote. La brocante de Marly, où on aura un stand, c’est le weekend suivant. On a fait un sacré tri à la maison. On a plein de trucs à vendre, mais aussi des trésors dont on ne veut pas se débarrasser encore. Des collections de quand on était petits : les jouets Kinder, les pin’s, les Pog…

Dimanche, ce sont aussi les élections européennes. J’espère que la claque des régionales va se renouveler.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.

Dimanche 30 mai 2004

Pas mal de trucs à raconter à propos de ce weekend.

Jeudi, Flore me dit qu’elle organise une petite soirée chez elle, parce que la fin des cours approche et ses parents ne sont pas là. Elle invite toute la classe, sauf quelques uns. Moi, je suis invité, mais j’hésite, je ne suis pas sûr d’avoir envie de venir. Je n’ai jamais été à une soirée, je ne sais pas comment ça va se passer. Je n’ai pas envie de danser. Si c’est juste pour boire et fumer, non merci (mais je ne m’inquiète pas trop pour ça, avec elle). J’ai peur de m’ennuyer. Je demande à S* si elle vient : elle hésite aussi. Finalement, je la convainc. On décide d’y aller ensemble. Il y aura aussi B*, M*, ceux que j’aime bien. Je me prépare donc au fait de sortir le samedi soir… Or, le samedi (hier), j’appelle S* une heure avant, pour qu’on s’accorde sur les horaires. Et savoir si son père nous ramène, ou si maman s’en charge. Et là, bing ! Elle me dit qu’il n’y a plus de soirée. C’est annulé. Les parents de Flore n’étaient pas au courant, il l’ont appris au dernier moment, et ont emmené Flore en vacances avec eux. Alors, plus de fête. Quelle déception ! Pour une fois que j’étais décidé… J’avais même préparé un cake, pour la soirée.

Tant pis. Ma soirée n’était pas tout à fait perdue. C* et N* étaient à la maison, arrivés de Marseille vendredi soir. D’ailleurs, leur présence m’avait fait hésiter à dire oui à la fête, pour une fois qu’on avait du monde à la maison. On a fait pas mal de trucs ensemble, du coup. On a été, tous les cinq, dans un resto de couscous qu’on ne connaissait pas, qui est pourtant tout près de la maison (au rond-point du Pecq). Puis au cinoche, mais sans Juline qui devait passer la soirée et la nuit chez une copine. On a vu La vie est un miracle d’Emir Kusturica en VO (en serbe !) : ce film est extraordinaire, on en sort plus heureux, alors que c’est un film sur la guerre. La façon de filmer est très lyrique, pleine de poésie et d’énergie. Je n’en dis pas plus, car je suis nul pour faire l’éloge d’un film, et pour les compliments en général.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.