Ça y est, le soleil est arrivé. C’est agréable. J’ai passé une heure dehors après le déjeuner, c’était bien.
Ce midi, j’ai mangé avec S*, Adeline, Amandine, Lisa… et Florian. Oui, « le » Florian. Il est très sympa, et marrant en plus. On a parlé d’homosexualité, puisque les autres ne le connaissaient pas et qu’ils ont appris qu’il était gay. C’était marrant quand Adeline a raconté qu’elle l’avait déjà fait avec une fille (sa meilleure amie) pour essayer. Pour moi, ç’aurait été une super occasion de faire mon coming out (même si j’ai horreur de ce mot), d’autant plus que je prévoyais déjà d’en parler à Adeline. Mais je ne l’ai pas fait. Dommage. Comme j’en ai envie, pourtant ! J’adorerais que ce soit enfin officiel. Avant, je pensais que je le dirais plutôt à chaque copain un par un, parce que c’est tellement génial de faire son coming out : à chaque fois, j’ai adoré. Mais c’est difficile, je n’ose pas. Il y aurait peut-être un autre moyen, alors : je vais dire aux quelques uns qui sont déjà au courant que, désormais, ce n’est plus un secret. S’ils ont une bonne occasion de le dire, eh bien, qu’ils le disent ! Petit à petit, tout le monde le saura.
C’est peut-être prétentieux de penser qu’il existe de « bonnes occasions de le dire » : ça sous-entend que les gens parlent de moi… Ça m’étonnerait. En tout cas, sûrement pas pour parler de ma vie sexuelle.
Dans ma classe, il n’y en a qu’un qui sait : Mathieu. En ce moment, en cours de SES, on étudie les nouveaux mouvements sociaux et, parmi eux, les mouvements gays. Aujourd’hui le prof a demandé à la classe : « Qui est homophobe ici ? » Bien sûr, personne n’a répondu. Puis : « Qui est homophile ? » J’ai trouvé ça complètement con. Il y en a un qui a levé la main. « Homophile » ? La question n’est pas d’aimer ou non les homos ! Ça n’a aucun sens de dire : « J’aime les homos. » Il y a des cons que les homos autant que chez les hétéros. Je ne vais pas aimer quelqu’un juste parce qu’il est homo. Quelle drôle d’idée.
Maintenant, Florian et moi on se connaît officiellement. Je pourrai donc le saluer quand je le verrai et, pourquoi pas, essayer de le connaître plus et de m’en faire un pote ? C’était déjà possible avant, mais maintenant ça devient plus simple.
J’envie ce type. Il est complètement assumé, il a l’air épanoui. Je me doute qu’il ne laisse pas voir les choses qui ne vont pas bien, c’est évident. Mais clairement, il n’a pas l’air d’un type malheureux ou torturé. Il dit aimer évoluer dans le milieu gay. Il fait des rencontres. Sans aller forcément très loin, mais tout de même. Et puis, il est resté neuf mois avec le même type. Avant, il a eu des copines, mais ça ne lui a pas plu. Il est gay et il le dit à qui veut l’entendre. J’aimerais faire ça, moi aussi. Un peu de courage, allez ! Je suis sûr que ce serait une bonne part de la solution miracle à la déprime.
Je déprime peu en ce moment. Je vais assez bien. Une petite baisse passagère, parfois, c’est tout.
Dimanche, j’ai dessiné. Je me suis lancé dans quelque chose de nouveau : des portraits au crayon d’après photo. Toujours dans mon carnet bleu. J’ai feuilleté mon Almanach Libération, qui est bourré de photos, et j’en ai reproduit deux. Un Soljenitsyne et un Clint Eastwood. C’est pas tellement ces types qui m’intéressent, c’est leur tronche. Puis j’ai fait Tardi (la photo de mon bouquin d’entretiens). Hier soir, j’ai voulu faire un Marlon Brando : j’ai regardé les photos du Studio hommage, sorti après sa mort. Le mien est moins beau que sur la photo, dommage… mais ces dessins sont plutôt réussis dans l’ensemble, pour des premières fois.
Demain, je vais à la fac de Nanterre pour les Portes Ouvertes. Je ne sais toujours pas ce que je vais choisir comme études. Peut-être que ça m’aidera ?
Dans trois quarts d’heure, j’ai rendez-vous chez le kiné pour cette saloperie d’entorse.
Ce carnet est terminé. Il m’aura fait deux mois.

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no3 (Finalement, c’est comme tout, on s’y habitue, 19 janvier – 15 mars 2005), j’ai dix-sept ans.