Elle dit que, pour eux, la notion de perdre du temps ou de gagner du temps n’a aucun sens. Ce n’est pas parce qu’ils font quelque chose maintenant que cette chose sera faite au détriment d’une autre, à sa place. L’autre chose n’est pas rendue impossible pour autant, elle ne s’annule pas, ne disparaît pas. Elle aura lieu plus tard, et elle existera avec autant de vérité que la première qui, elle, ne sera pas révolue. Les choses ne disparaissent pas. Elle me dit à peu près cela, à propos de ses élèves. C. est une collègue de F., nous ne nous connaissons pas encore. Elle dit le mot polychrone – avec un n, pas un m, parce qu’il s’agit de temps, pas de couleurs. Je lui dis que mon personnage dans Les présents a cette même qualité : il confond le temps et l’espace ; les choses qui ont eu lieu sont toujours là ; elles ne sont pas derrière lui, mais à côté. Le temps n’est pas linéaire. Il décrit des cercles. Ou bien, il s’accumule dans le même endroit, sans ordre défini : les événements et les gens s’ajoutent les uns sur les autres, les uns à côté des autres. Le personnage vit avec ses disparus, ses fantômes. Je lui dis que j’aimerais bien les rencontrer, ses élèves, et les emmener de l’autre côté du mur : dans le cimetière qu’ils ne connaissent pas. Elle me dit qu’ils lui parlent, à elle, des présences. Et moi, c’est cette présence qui me plaît – à eux, elle fait peur. Je lui dis alors que, dans Les présents, mon personnage n’a pas peur. La question ne se pose jamais dans ces termes-là. La présence des fantômes n’est en aucun cas angoissante : c’est comme ça, c’est tout.
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