Hier, c’était l’anniversaire de maman. On a mangé une galette des rois (c’est la saison) avec une bougie « 48 »… Maman était contente de ses cadeaux.
J’ai aussi été chercher le livre que j’avais commandé : Oubapo. Bon, il y a beaucoup de texte, je pensais qu’il y aurait plus de bandes dessinées, mais c’est intéressant. Et les BD sont terribles ! Par contre, Le retour à la terre tome 3 n’était pas sorti. Désœuvré de Trondheim non plus. Et puis, j’aurais voulu voir à quoi ressemble l’album Comme des lapins de Ralph König. J’en ai lu du bien, il était même sélectionné à Angoulême. Surtout, ne nous le cachons pas, c’est son sujet qui m’intéresse. Dans le même état d’esprit, j’ai cherché Corydon d’André Gide, mais ça n’est pas son bouquin le plus connu et ils ne l’avaient pas. J’ai aussi été à la Marque jaune, je n’y avais pas été depuis longtemps, J’aime bien cette librairie, son côté fouillis. Il faut être assez déterminé pour trouver la merveille, mais quand on la trouve on est content. Mais, hier, je n’étais pas à l’aise, car la grande majorité des albums d’occasion me sont inconnus, ce sont des trucs de collectionneurs. Et il y avait un gamin avec son père, ils s’enthousiasmaient sur de vieilles éditions originales. Moi, à côté, avec mon petit budget, je cherchais un album à ma portée. C’est comme ça, les librairies d’occasion : il y a ceux, comme moi, qui viennent pour faire des économies en achetant du vieux plutôt que du neuf ; et il y a ceux qui, au contraire, dépensent des fortunes pour des raretés. J’ai acheté le tome 3 de Kador.
Vendredi soir, C* a appelé pour prévenir qu’il arriverait chez nous samedi (hier). Il fallait que je le voie, pour mes BD. Mais il a raté son train. Quand il arrive finalement, en soirée, il décide qu’on va au resto. Il nous emmène à la Trattoria de Croissy. À un moment, il s’est absenté mystérieusement pendant deux minutes : il a été dire au serveur que c’était l’anniversaire de maman. Du coup, elle a eu droit au gâteau, aux bougies, aux lumières éteintes… et on a chanté « Bon anniversaire ». Bon, c’était un faux gâteau : il a resservi ensuite pour la table d’à côté, pour un autre anniversaire. C’était marrant.
Quand on est rentrés, C* s’est endormi quasiment tout de suite… à peine s’il a vu mes planches de Torink. Il faut qu’on en reparle aujourd’hui, mais il est en Normandie. Il est parti tôt ce matin. Il devrait rentrer cet après-midi (normalement)…
Je vais raconter mes rêves. Ces dernières nuits, ils sont assez intéressants et je m’en souviens facilement. Malheureusement, ils sont très explicites et je n’aurai pas besoin de chercher à les interpréter. D’après la psychanalyse, des rêves simples et peu cryptés sont révélateurs d’un esprit semblable… J’ai donc un esprit simple ? Moi qui croyais être compliqué et perturbé (je préférais).
Cette nuit, deux rêves dont je me souviens (je me suis réveillé vers 6 heures, puis rendormi). Le premier. Je n’allais pas fort, je déprimais. Je marchais dans la rue. Je me suis dit : « Tiens, je vais entrer dans ce café. » Je crois que j’y avais déjà été quelques instants plus tôt mais, parce que je déprimais, j’ai eu envie d’y retourner. C’était minuscule à l’intérieur, mais ce détail incongru ne m’a pas perturbé le moins du monde, c’est après coup que je le remarque. J’étais au comptoir et je touchais quasiment la vitre du fond : on aurait dit une cabine plutôt qu’un café. J’ai demandé une limonade (noyer ses soucis dans la limonade ? hum !) et le barman, juste devant moi, a commencé à me faire causer. Je me suis confié, j’ai parlé de mon cafard. Le type avait la tête du libraire de la Marque jaune, il était très sympa. Imperceptiblement, comme toujours dans les rêves, le décor a changé : finalement, j’étais dans une chambre. La mienne. Et c’est avec Benoît que je causais. J’ai fait : « Bon, je vais te le dire, maintenant, pourquoi je déprime » et lui ai dit que j’étais homo. Je ne me rappelle pas la suite. Quand je vous dis que ce truc m’obsède.
L’autre rêve. C’est plus délicat. Je ne m’en souviens plus très bien. Je ne sais plus où c’était, et le décor a dû évoluer. J’étais avec quelqu’un, mais qui ? On discutait, la copine d’Étienne et moi (une copine imaginaire, car il est avec ***, en réalité, et que ce n’était pas elle dans mon rêve). On parle de lui. Je ne sais plus par quel stratagème elle en arrive, en parlant de lui, à le déshabiller. Et voilà : il est là, à poil. Et je ne suis pas mécontent de moi. Je mate tranquillement. Mais je ne me souviens pas pourquoi elle l’a déshabillé, ce qu’elle lui voulait. Ça n’avait rien de sexuel. On aurait dit qu’il était devenu un petit gamin, qui se met à poil sans difficulté, comme les gamins. Étrange rêve, confus, mais pas dérangeant.
Un autre. C’était la nuit précédente. D’abord, le contexte. Au lycée, on assiste à un élan de générosité pour l’Asie du Sud-Est dévastée par le tsunami. Les haut-parleurs (qui ne servent jamais, d’habitude) diffusent même des messages du genre : « Les élèves intéressés pour organiser une collecte de dons doivent se présenter au bureau des surveillants. » Dans mon rêve, on était en classe. En gros, ma classe habituelle, sauf qu’il y avait aussi S*. Le cours se passe normalement, je lance de temps en temps des regards furtifs vers Étienne : rien de plus normal, quoi. Là-dessus, Carine (une surveillante) entre pour demander quels élèves seraient intéressés pour faire une grève de la faim pour aider l’Asie de Sud-Est (ne cherchez pas de rapport, j’avoue que je n’en trouve pas non plus). Plein de volontaires lèvent la main : « Moi ! Moi ! » Je me dis, moi, que je ne veux pas, non. Je trouve ça excessif, tout de même, une grève de la faim. Voyant l’enthousiasme de ces volontaires, je culpabilise de mon égoïsme. Dans la réalité, il est vrai que je n’ai pas fait de don. Ce n’est pas un choix délibéré, c’est juste que je n’en ai pas eu l’occasion, ou alors que j’ai eu la flemme. Une forme d’égoïsme, donc. C’est ce que je disais tout à l’heure : mes rêves sont très explicites.
J’ai pris une bonne résolution. Pas une de ces résolutions de nouvel an, non, rien à voir. Disons plutôt que j’ai pris une décision (le mot est plus juste) : j’ai pris la décision d’aller bien. Je sais que c’est difficile, mais je vais essayer de m’y tenir. Depuis mercredi, je n’ai quasiment pas déprimé. Je crois que le fait de parler, réellement, me fait un bien fou.
Il est 12h13, il faudrait que je bosse. J’hésite. Soit je ne fais que le travail de la semaine (en fait, jusqu’à mercredi) comme d’habitude, soit je m’avance un peu… J’ai un devoir balèse en philo pour dans dix jours, j’étais déjà au courant avant les vacances. Ce n’est pas sérieux, mais ça m’emmerde. C’est chiant : ce n’est pas une disserte (j’aime plutôt ça) mais une étude de document. Un texte de Kant… sur les vertus du travail ! Tu parles.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no2 (Angoisse du doute, malaise de la certitude, 15 juillet 2004 – 17 janvier 2005), j’ai seize ans.