Mardi 4 avril 2006

L’école ferme à 12h30 à cause de la manif (qui commence à République, cette fois, et va vers Italie). Je mange un casse-croûte avec Célie au square du Temple. Il fait beau.

À 14 heures, on retrouve devant l’école des gens de chez nous, mais aussi d’Olivier-de-Serres, des Ateliers et des Beaux-Arts. On défile ensemble. Il y a donc Célie, Camille G*, Léo, Louise, Isabelle, et les mêmes trois de mànaa C que la semaine dernière (pas un seul élève de B ! « mànaa B, macchabées ! mànaa B, dégonflés ! ») Je porte momentanément la banderole, je suis couvert d’autocollants. Je prends des tracts, dont celui de la LCR qui m’est tendu par Olivier Besancenot (j’ai vu aussi Arlette Laguiller plus loin).

« C comme chômage, et P comme précaire, et E comme Exploités, retrait, retrait, retrait du CPE » ; « Chirac, Villepin, Sarkozy, votre période d’essai, elle est finie » ; « Villepin on veut pas de toi, tu sers à rien, Sarkozy on veut pas de toi, t’es pire que lui » ; « Si t’es contre le CPE, fais meuh-meuh, si t’es contre de Villepin, fais coin-coin » (le dernier est une création de nous, il n’est pas tellement plus con que les autres slogans). Avec Célie, nous sortons du cortège à Bastille à 16h45.

Dans le RER, je lis les tracts que j’ai collectés. Deux bourgeoises s’installent, en face et à côté de moi. L’une m’est immédiatement antipathique. « Les Français ne savent pas accepter les réformes », « Tous les jours ils nous font des manifs pour mettre le bazar », « Toujours répondre par la violence plutôt que discuter » et autres joyeusetés. Jusqu’au bout de trajet, je la fusille du regard. Elle n’ose pas tourner la tête vers moi. Je ne comprends même pas qu’elle puisse afficher un tel mépris devant moi, alors qu’il est évident que je reviens de la manif. De la provocation petite-bourgeoise à deux balles. Je n’ose pas intervenir. J’aurais aimé un débat. Elle descend à Nanterre-U.

Sur le siège, Le Figaro. Je le lis (je le parcours). En Une : « Sarkozy prend en main le CPE. » Avant de descendre, je colle soigneusement un de mes autocollants anti-CPE à côté de la photo de Sarko. Je remets le journal sur le siège et, avec lui, je laisse aussi Rouge. On a les actes révolutionnaires qu’on peut.

Les chiffres sont encore supérieurs à ceux de mardi dernier, entre 1,2 et 3,2 millions.

Par terre, je trouve une merveille : une merveilleuse horreur. Un porte-clé en forme d’escarpin talon-aiguille en plastoc bleu transparent, avec un bouton. Quand on appuie dessus, tout clignote à l’intérieur. C’est immonde. Ce sera mon porte-clé fétiche.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no8 (intitulé Croissance exponentielle, 19 mars – 23 juin 2006), j’ai dix-huit ans.

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