Ça pesait lourd, dans ma tête, quand je me suis couché hier soir. Je suis sûr que c’est le soleil, car (ne le dites pas à la police) je suis resté deux heures au bord de la rivière, en pleine lumière, et ça tapait fort. J’avais mal au crâne en rentrant. Le plus souvent, ça passe en dormant, mais je me suis éveillé plusieurs fois cette nuit, dans le même état. « J’ai été puni », dirais-je, si je croyais à ces trucs-là. Puni par là où j’ai péché : la tête, toujours la tête. Car c’est elle qu’on nous demande de débrancher en ce moment, en déléguant notre faculté de penser à l’attestation de déplacement dérogatoire dans notre poche. J’aurais pu, aussi, faire confiance à mon expérience : ne pas prendre le soleil aussi longtemps. J’aurais pu faire ce choix. Aujourd’hui il fait gris, alors c’est réglé : je ne choisis pas.
Nouveaux déchets apparus sur les trottoirs en ce printemps 2020 : sur le boulevard Gustave-Garrisson, un masque chirurgical ; dans la rue Calvet, une attestation ; devant la préfecture : un gant en latex. Un jour, reviendront les beaux jours : les gens se rassembleront dans les parcs, boiront des bières et laisseront leurs papiers gras derrière eux. Et on aimera ces déchets, alors qu’on les détestait autrefois, parce qu’ils signifieront que la vie a recommencé.
Sous un porche, faubourg Lacapelle : « Porno partout, amour nulle part » (notez la proximité visuelle de l’interdiction d’entrer). « Pourquoi choisir ? », me demandé-je, pensant aux Histoires pédées que nous avons écrites, et aux prochaines que nous publierons, dans lesquelles nous ne choisissons pas : nous prenons les deux, ensemble.
Dans les supermarchés capitalistes, on trouve très peu de fruits bio. Les rares spécimens sont traités comme tels : rares. Et donc précieux. Ils sont emballés dans un écrin solide, protégeant la merveille de tout dommage, autrement dit : une coque rigide non biodégradable. Alors, il faut choisir : le fruit avec pesticides, ou le fruit avec plastique. Poison ou poison. Peste ou choléra.
J’ai enregistré une lecture ce matin, j’ai monté la vidéo. Le résultat n’était pas bon. Alors l’alternative s’est posée ainsi : est-ce qu’il vaut mieux ne rien publier, laissant un trou dans mon rythme de parution quotidien ? ou publier une vidéo pourrie ? J’ai hésité un quart de seconde, pour la forme. Et j’ai choisi.
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