L’idée consiste à boucler des trucs avant mes vacances. On a terminé Je connaîtrai Luçon, qui part chez l’imprimeur. Ouf ! Du côté des Présents, par contre, « boucler » ne veut pas encore dire « finaliser » (loin de là), mais essayer de suspendre proprement le chantier. Me dire : cette version peut rester en l’état quelque temps sans s’abîmer. Les trous sont bouchés, je n’ai pas laissé de crevasse dangereuse en plein milieu, je ne craindrai pas qu’on se prenne les pieds dedans en mon absence. Rien qui ne m’empêchera de dormir.
Prendre des vacances : l’expression est belle et floue à la fois. Il n’y a encore pas si longtemps, mon calendrier était séparé en deux parties étanches : le travail d’une part (celui qu’on fait parce qu’il le faut bien), les vacances de l’autre (la vraie vie). L’écriture était du côté de la vraie vie, et donc des vacances. Mais, depuis presque un an désormais, j’ai décidé que ce travail-qu’on-fait-parce-qu’il-le-faut-bien était une époque révolue, et que le mot « travail » signifierait : ce-que-j’ai-toujours-voulu-faire. Et les vacances, alors, que deviennent-elles ? Disparaissent-elles ou bien, au contraire, prennent-elles toute la place disponible ?
(J’utilise ce mot, disponible, volontairement – car ma situation administrative est justement celle-ci : fonctionnaire en disponibilité ; et que je n’ai jamais été aussi disponible que cette année, disponible à la rencontre, à la découverte, à l’expérimentation ; disponible à moi-même.)
Que je sois à Paris, à Luçon ou à San Francisco, je fais la même chose – oh, que ça paraît snob de le dire – : j’écris mes trucs, les projets avancent tranquillement et je suis disponible pour ceux avec qui je travaille. Cela n’empêche pas les promenades, les rencontres, le repos (ce qu’on appelle vacances, et qui se mêle intimement aux autres activités). Mais, là, j’ai décidé que les projets seraient suspendus à la fin de cette semaine : c’est pourquoi j’appelle ce moment, bêtement, des vacances.
La machine qui est dans ma tête continuera de tourner, hein. C’est toujours comme ça : ce travail-là, il se passe autant sur le clavier de mon ordinateur que la nuit en rêvant, que le matin en me promenant et que le soir en buvant des coups avec les copains (et le mot travail sort alors, soudainement, du carcan monstrueux où il était enfermé au temps de ma vie de bureau, lorsqu’il signifiait : « même si tu n’aimes pas ça, faut y aller »). Je cogiterai donc depuis là-bas, et peut-être encore plus profondément qu’ici. J’emporterai quelques idées dans mon sac à dos, comme devoirs de vacances (compiti per le vacanze), pour ne pas oublier (per non dimenticare).
Laisser un commentaire