Je passe ma première épreuve du bac demain, mais j’ai des choses bien plus importantes à quoi penser. J’ai pris une décision hier, après avoir analysé ma relation avec B*. J’ai identifié quatre attitudes possibles :
- Je ne lui dis pas mes sentiments et je tente une relation amicale normale, en espérant que ça me passera. Risque pour lui : il me trouvera bizarre, parce que j’aurai du mal à être normal. Risque pour moi : ça me fera du mal de le voir, tant que mes sentiments ne changeront pas.
- Je ne lui dis rien, et je prends de la distance pour l’oublier. Risque : il ne comprend pas. Autre risque pour moi : je perds un ami.
- Je lui dis mes sentiments, afin qu’il comprenne mon comportement, puis je cesse de le voir. Conséquence : je perds un ami.
- Je lui dis mes sentiments pour qu’il me comprenne, en espérant que ça m’aide à l’oublier, et je tente de réinstaller une relation amicale. Deux cas possibles : soit il réagit mal et je perds un ami ; soit il réagit bien et on redevient amis.
Le 1, c’est ce que j’ai fait au début. Le 2, c’est ce que je suis en train de faire. Le 3, c’est une idée qui m’a effleuré, mais qui n’apporterait rien de bon. Le 4, c’est ce que j’ai décidé de faire.
Il faut que je le voie, seul à seul. Cela ne nous est arrivé qu’une seule fois : quand il est venu chez moi. Je lui dirai alors quelque chose comme ça :
« Tu te doutes peut-être déjà de ce que je vais te dire, tu as peut-être compris. Mais laisse-moi parler quand même, ce n’est pas facile. C’est très rare qu’on se retrouve tous les deux seuls, à discuter. Tu dois peut-être trouver cela bizarre, car je t’ai raconté tellement de choses, si personnelles… On est amis, et pourtant on se voit rarement. Je reste distant. Tu dois me trouver étrange. En fait, c’est tout simple : c’est parce que je t’évite. Me retrouver seul avec toi me fait peur ; tu me mets mal à l’aise, je perds mes moyens. Je suis… troublé. C’est parce que tu me plais. Beaucoup. Plus que ça, même : c’est un sentiment fort, que je ne connaissais pas encore. Je ne sais pas vraiment ce que c’est ; c’est peut-être exagéré de dire que je suis amoureux, mais ça y ressemble. Alors, je voulais que tu le saches, pour que tu comprennes mon attitude. Tu t’en doutais peut-être, mais maintenant c’est clair. Je sais que ça ne mènera à rien : je ne suis pas ton style, c’est le moins qu’on puisse dire. Tu n’y es pour rien, je n’y suis pour rien. Tout ce que je souhaite, c’est que ces idées farfelues me quittent le plus vite possible, et qu’on soit amis. Qu’est-ce que tu penses de tout ça ? Ça te surprend ? Est-ce que ça te gêne ? J’ai envie de te parler, envie que tu saches tout… Mais dis-moi ce que tu penses, toi. »
Bien sûr, je n’arriverai jamais à dire ça, mais ça donne une idée. J’espère qu’on pourra discuter, ensuite. Et je lui donnerai aussi une lettre, qu’il lira chez lui. J’ai écrit cette lettre hier. Je vais en coller le brouillon sur la page suivante.
Depuis hier, je ne pense qu’à ça. Je me suis joué et rejoué la scène cent fois dans ma tête. Je sais que ça ne mènera jamais à rien, entre nous, mais je ne peux pas m’empêcher de rêver quand même. Alors que je pensais moins à lui, il occupe à nouveau toutes mes pensées. Je m’imagine l’embrasser. Ça me rend fou. Ce serait tellement beau, ce serait fascinant. Ça me ferait peur. Même s’il était pédé, je ne sais pas si j’oserais. C’est tellement irréel !
Il faut que je lui parle le plus vite possible, parce que je ne pourrai pas penser à autre chose tant que je ne l’aurai pas fait.
Je pense à demain. Bac de philo de 8 à 12. On mangerait ensuite tous ensemble, puis je lui dirai qu’il faut que je lui parle, seul à seul.
Il ne faudrait surtout pas que ça m’empêche de me concentrer durant l’épreuve, demain matin.
Pourquoi ai-je tant de choses dans ma tête ? Le bac (assez accessoirement) ; la BD (l’abécédaire en cours, et le projet autobiographique) ; B* (surtout).
Au fait : si j’arrive à faire avec B* ce que j’ai prévu de faire, ça me permettra de finir proprement mon scénario sur notre non-histoire. Si je devais l’écrire telle qu’elle est aujourd’hui dans ma vie, il n’y aurait pas de fin, ce serait inachevé. Enfin, bon, je ne vais pas me mettre à vivre ma vie en fonction de futurs scénarios autobiographiques, ce serait malsain.
C’est S* qui m’a donné l’idée. Elle m’a dit qu’elle avait des envies de « grand déballage » avec ***, un mec de son cours de karaté qui la préoccupe depuis longtemps. Elle pense n’avoir aucune chance, mais elle pense aussi que ça lui ferait du bien de tout lui dire avant qu’ils se séparent à la fin de l’année. D’où mon envie de faire pareil. Sauf que moi, ce n’est pas certain que je ne reverrai pas B* : ça ne tient qu’à moi. Si j’en ai envie, on se reverra. Sinon, non. Je sais qu’il ne me sollicitera pas, je le connais. Il est très chiant pour ça : pas moyen de savoir ce qu’il pense de moi. Est-ce que je compte pour lui ? Est-ce qu’il s’attriste ou s’inquiète de me voir distant ? Ou est-ce qu’il s’en fout ?
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no5 (intitulé B*, 8 juin – 1er août 2005), j’ai dix-sept ans.
Mais quel suspense de malade !!!! Antonin va-t-il s’ouvrir à B. ?!?!
Je connais la suite, mais (promis) je ne spoilerai pas.