Lundi 6 juin 2005

Suis retourné à la brocante hier. Me suis encore acheté un Bidochon en poche. C’est tout. L’après-midi, j’ai vu Vipère au poing en DVD. J’avais beaucoup aimé le roman.

Quelques révisions (philo). Mais j’ai surtout dessiné. Vous n’allez pas me croire : j’ai dessiné trois mecs du catalogue de la Redoute. Voilà. C’est tout ce que j’avais sous la main, qui soit intéressant à reproduire.

J’ai mangé à la cantine, comme chaque jour. Il y a un mec que je vois tous les midis, j’espère qu’il continuera de venir les jours prochains. Je ne sais pas comment il s’appelle. Il est en première ES, mais il fait plus vieux que les autres (dix-huit ou dix-neuf ans), il est grand et blond, porte un genre de barbe, un bouc, voire plus (il a eu une période genre-style « négligé » qui lui allait très bien, un peu hirsute). J’aime bien ce style chevelu cool, tant que ça reste raisonnable. Il porte un blouson en cuir, s’habille cool mais élégant. Il joue de la guitare. S* m’a dit que je n’étais pas discret quand je le matais. C’est vrai. Je ne cherche pas à être discret. Je le regarde ostensiblement. Il m’a peut-être remarqué, mais je m’en fiche, car :

  1. Il ne sait sûrement pas ce que je lui trouve ;
  2. Même s’il s’en doute, je me fous de ce qu’il pense de moi : il ne me connaît pas et, d’ici quelques jours, on ne se verra plus jamais.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime bien mater avec insistance, pour que les autres gens voient bien que je mate les mecs. C’est stupide : parfois, je mate uniquement pour être vu, plutôt que par envie réelle d’un garçon qui me plaît. Juste pour m’affirmer, en quelque sorte.

Aujourd’hui, seul à la maison. J’ai passé pas mal de temps sur Internet. J’ai cherché à écouter Comme ils disent d’Aznavour, parce que je l’ai entendue une fois seulement, par hasard, à la radio. Et puis, j’ai cherché Le privilège de Sardou, parce que j’ai entendu parler de cette chanson et que ça m’a surpris : Sardou ! à propos d’homosexualité… alors que pour moi, c’est juste un réac ! Je reste très méfiant. J’ai surtout visité le site de François Ozon. J’aime bien ce réalisateur. Je n’ai vu que deux films de lui (Sous le sable et Huit femmes). J’ai regardé pas mal d’extraits et de bandes-annonces. J’ai très envie de voir Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, il y a Malik Zidi dedans (je crois avoir déjà écrit deux ou trois choses sur lui, dans ce journal…) J’ai regardé des extraits des courts-métrages les plus franchement pédés.

Plus tard

Avantages et inconvénients de dessiner maintenant ou plus tard mon histoire (ou plutôt ma non-histoire) avec B* : voici mes réflexions. Je n’ai pas encore de conclusion.

  • Artistiquement :
    • si je dessine maintenant :
      • avantage : sujet encore vif : émotion, spontanéité, comme un journal
      • inconvénient : trop récent, récit pas assez construit ni réfléchi
    • si je dessine plus tard :
      • avantage : plus de recul : faire un vrai scénario construit
      • inconvénient : plus froid, moins d’implication
  • Moralement :
    • si je dessine maintenant :
      • inconvénient : me remettre le nez dedans, au lieu d’oublier
      • avantage : me détacher de cette histoire, une fois la BD finie ?
    • si je dessine plus tard :
      • avantage : me replonger dans cette histoire pour la comprendre mieux
  • Pour mes souvenirs :
    • avantage : fixer cette histoire pour m’en souvenir plus tard
    • inconvénient : risque de substituer, dans ma mémoire, les images dessinées aux vrais souvenirs

Quand je parle des « images dessinées se substituant aux souvenirs », je pense à une chose en particulier. Le jour où B* m’a souri et tendu la main, ce fameux samedi matin avant les vacances de Noël ; ce moment est encore vif dans ma mémoire. Je me souviens du soleil qui venait de derrière moi (j’étais dans la cour du lycée) et qui éclairait B*, face à moi ; je me souviens du beau temps qui convenait admirablement à ce moment. Je me souviens d’apercevoir B*, qui se tourne vers moi et m’aperçoit à son tour ; je me souviens de sa réaction.

Cette scène, je l’ai croquée sommairement dans Depuis que je sais ce que je suis et, à présent, quand je repense à ce moment, c’est cette image qui revient la première. Comme c’est dommage ! Je ne veux pas que ces souvenirs dessinés, interprétés, retravaillés, dénaturés, prennent la place des vrais.

C’est aussi le danger de ce journal. On se dit : « Je note ce qui m’arrive pour m’en souvenir plus tard. » Mais dans la réalité, c’est le contraire qui arrive : noter tout ça, c’est l’oublier. Je délègue une partie de ma mémoire à ce journal. Les souvenirs ne sont plus dans ma tête, mais ici. Ce ne serait pas grave si ces souvenirs étaient retranscrits exactement, mais on sait que c’est impossible : l’écriture est imparfaite. Le risque, c’est donc de laisser ces pseudo-souvenirs imparfaits prendre la place des autres.

Voilà. Ce carnet est terminé.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no4 (À la découverte de la vie normale, 13 avril – 6 juin 2005), j’ai dix-sept ans.

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