Aujourd’hui, ça va plutôt bien, alors qu’hier c’était la déprime profonde, allez savoir pourquoi.
Finalement, ça s’est plutôt bien passé. Définitivement, Étienne m’est bien sorti de la tête, c’est une bonne chose de faite. B*, lui, en revanche, c’est pareil. Il me fait toujours une drôle d’impression. C’est bête, mais il me touche. Lundi matin, à la récré, j’étais tout seul à errer, à me demander si je n’allais pas me taper la tête contre un mur pour aller mieux. Ça m’arrive parfois (pas de me taper la tête contre un mur, mais d’être mal, comme ça), des moments où je me sens terriblement seul et que je ne veux qu’une chose : m’isoler. Je fuis les gens que je connais (pas tellement parce que je ne veux pas les voir, plutôt parce que je n’ai rien à leur dire, que je ne sais pas ce que je ferais avec eux ; je sais que c’est confus, mais ça l’est pour moi aussi). Eh bien, B* est venu me chercher. Du coup, j’ai passé la récré avec lui et ses potes. C’est con, hein. Mais je le trouve sympa. Remarquez que n’importe quel copain aurait fait la même chose, mais j’ai vraiment l’impression qu’il m’aime bien.
Aujourd’hui, il tirait une tronche pas possible et, de le voir comme ça, moi qui étais plutôt gai pour une fois, ça m’a presque fichu le cafard. Quand je le vois avec cet air triste, à ne pas dire un mot de la journée, je ne peux pas m’empêcher de m’identifier et/ou de me faire des films. J’ai l’impression de le comprendre, alors que je suis probablement à côté de la plaque.
Une anecdote amusante. Pendant les vacances, beaucoup de monde a été chez le coiffeur. Eh bien, je n’ai pas remarqué que M* avait changé de coupe, alors que c’est flagrant, il paraît. Je ne fais pas attention à ça, c’est dingue. Par contre, je peux vous dire exactement comment tel ou tel type était habillé aujourd’hui… Non, pas de doute possible !
Depuis quelque temps, j’ai découvert sur Internet un forum sur l’homosexualité, sur Doctissimo (c’est un site médical, mais avec plein de dossiers sur des problèmes qui peuvent toucher les jeunes, notamment). Je visite régulièrement ce forum (sans y participer), c’est très intéressant d’assister aux discussions entre de jeunes homos. Il y en a de mon âge, qui confient leurs doutes ou leur mal-être, qui posent des questions très précises que je me pose aussi, et des plus âgés qui font part de leur expérience.
Il y a des témoignages déprimants : certains mecs sont bien plus atteints que moi, et on se demande s’ils ne vont pas se foutre en l’air ! Il y en a même qui ont vingt ou vingt-et-un ans et qui disent que personne n’est au courant de leur homosexualité… Mais comment est-ce possible ? Moi, ça ne fait que six mois que je suis au courant, et ça me fait tellement souffrir ! Comment peuvent-ils ne pas partager cela, le garder pour eux pendant tant d’années ? C’est dingue.
Il y a aussi des témoignages amusants. Parfois je me reconnais dans une remarque, quand certains évoquent le regard qu’ils ont sur les autres mecs, et tout. Et puis, il y en a qui sont vraiment gonflés, qui parlent de leurs expériences, de leurs fantasmes sur leur meilleur ami, et toutes ces sortes de choses…
Ça me fait du bien de lire tout ça. Parce que je ne connais pas d’homos personnellement, je n’ai personne avec qui partager tout ça et, sans ce forum, je ne saurais pas comment vivent les autres.
Demain, je pensais aller à l’Univers du livre pour acheter le bouquin que j’ai commandé : Oubapo, opus no1, mais ils ne l’ont pas reçu. J’irai quand même, peut-être, et j’achèterai le tome 3 du Retour à la terre, qui vient de sortir…
Lundi prochain, j’aurai dix-sept ans.
Entendu la semaine dernière, dans la rue, à Saint-Germain. Un SDF dit à un autre : « Oh, moi, tu sais, le foie gras, je ne cours pas après… » Ça m’a fait rigoler. Je ne sais pas dans quel contexte il disait ça. Moi non plus, je ne cours pas après le foie gras.
Et si je parlais un peu d’autre chose que de moi ? Je vais parler du contexte historique, pour que le lecteur du siècle prochain puisse situer. Non, je déconne. Mais, sérieusement, la semaine dernière un raz-de-marée effroyable dans l’océan Indien a fait au moins (« au moins », car ils en comptent de plus en plus chaque jour) cent cinquante mille morts. On ne parle que de ça à la radio. Cent cinquante mille… On a du mal à se rendre compte… Ça fait froid dans le dos.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no2 (Angoisse du doute, malaise de la certitude, 15 juillet 2004 – 17 janvier 2005), j’ai seize ans.