Pendant mon petit déjeuner, la radio était allumée sur France Inter. L’émission Aller-retour commençait, sur le thème : les grandes dates de la lutte pour la reconnaissance des droits des homosexuels. J’avais très envie de l’écouter, mais :
- J’ai pensé que je n’apprendrais pas grand chose de plus ; et même si j’apprenais de nouvelles choses, est-ce indispensable de les apprendre aujourd’hui ?
- Ce n’est pas en écoutant cette émission que je me débarrasserai de mon obsession ;
- J’ai du mal à écouter ce sujet en présence de Juline et maman, qui font comme si de rien n’était : n’ont-elles vraiment pas prêté attention au sujet de l’émission ? Ou bien font-elles semblant d’être indifférentes, mais n’en perdent pas une miette ?
Au bout de cinq minutes d’émission, ils ont passé Comme ils disent. C’était trop. J’ai juste eu le temps d’entendre « J’habite seul avec maman… » et je me suis barré. Je me suis senti très mal. Je me suis enfermé dans la salle de bains, j’ai pris ma douche. Puis, n’y tenant plus, j’ai cédé : après ma douche, je suis revenu à la cuisine. Je me suis assis près de la radio pour écouter. J’avais un livre avec moi, pour faire croire que je n’étais pas seulement en train d’écouter. Maman faisait la vaisselle. Quand elle a fini, elle m’a demandé : « Tu écoutes la radio ou je l’éteins ? » Cette question m’a tué. Comment peut-elle me demander une chose pareille ? Évidemment, j’écoute. Et avec avidité. Je n’ai pas osé. J’ai dit : « non, tu peux éteindre. » Elle a éteint.
Quand on sera rentrés au Pecq, j’irai sur le site de France Inter pour réécouter l’émission.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no6 (intitulé Mieux dans mes baskets, mieux dans ma vie, 3 août – 25 novembre 2005), j’ai dix-sept ans.