Ces deux derniers jours, j’ai commencé le découpage de Une enquête de Régis et Lucien : des viennoiseries pour les canards, j’ai déjà quatorze planches. Je sais que je n’aurai pas le temps de dessiner cette histoire. Dans deux semaines, c’est la rentrée, et je ne pourrai plus dessiner. Ce ne sera plus comme au lycée, où j’avais tellement de temps libre. Ça me fait peur. J’ai peur de passer à côté de ce que je veux vraiment faire. Et si mes études m’éloignaient de mon but ? (Alors que les études sont censées nous en rapprocher…)
Je ne peux pas sacrifier la BD. Je ne peux pas arrêter la BD pour me consacrer à mes études à cent pour cent… J’ai réfléchi. Et je suis arrivé à cette conclusion : la BD est réellement ma raison de vivre. Je n’en vois pas d’autre. Lorsque j’envisage une vie dans laquelle je ne pourrai pas faire cela, j’ai peur. Tout m’ennuie profondément. Pas un métier ne trouve grâce à mes yeux, autre que celui-ci. Certaines personnes ont la force de se contenter d’un métier qui ne leur plaît pas et parviennent à sacrifier leur passion. Je n’aurai pas cette abnégation. Je me mépriserais si je devais me plier à des contingences trop prosaïques et oublier mon idéal de vie ; une petite vie grise et terne ne vaudrait pas la peine d’être vécue.
Je ne crois pas en la réincarnation, ni en un éventuel paradis après la mort. Les quelques années de vie terrestre dont je dispose sont donc les seules que j’aurai. Je n’ai qu’une vie, et elle est courte : je ne veux pas la gâcher.
plus tard
Je commence à avoir envie de rentrer chez moi.
plus tard
Au fait, j’ai réalisé un truc dingue : le 17 décembre 2004 (le soir), je disais à B* que j’étais homosexuel ; le 17 juin 2005, je lui disais que j’étais amoureux de lui, soit (eh oui) exactement six mois après, jour pour jour. Il m’a fallu six mois pour : 1. comprendre mes sentiments pour lui ; 2. passer par toutes les phases de plaisir, d’enthousiasme, d’angoisse, de tristesse ; 3. me décider à lui parler. J’aurais voulu choisir une date symbolique pour lui faire ma « déclaration » que je n’aurais pas pu mieux choisir. Et tout ça, par hasard.
plus tard
Demain, nous repartons. On the road again. Nous dormons une ou deux nuits à Nuits (ha ha) chez S* (l’amie de maman qui travaillait avec elle, et qui s’est installée à Nuits-Saint-Georges l’été dernier). Je lis un chapitre ou deux de Sur la route, puis je dors.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no6 (intitulé Mieux dans mes baskets, mieux dans ma vie, 3 août – 25 novembre 2005), j’ai dix-sept ans.