À 8h30, j’attends devant Duperré : il devait arriver… mais je ne le vois pas.
À 11h30, j’attends à la sortie de la salle où il avait cours. Il ne sort pas.
À 12h30, il sort. Il est seul. Il est beau. Ce sont exactement les circonstances idéales pour lui dire : « Ça te dirait qu’on aille manger tous les deux ? J’ai envie de te connaître. » Mais son allure pressée me déconcerte, et je n’arrive pas à lui proposer quoi que ce soit. Je m’arrête à : « Tiens, tu ne manges plus à la cantine, au fait ? » Nous échangeons vingt mots. Lui, toujours aussi souriant. Et il s’en va.
Et je suis triste.
Et je vais manger seul, en cinq minutes. Et je décide d’aller à Olivier-de-Serres pour y déposer mon dossier de candidature, sachant qu’il faut une heure et quart pour faire l’aller-retour et que mon cours commence dans trois quarts d’heure. Et je m’en fous.
Ce matin, simulation d’entretien. Ça se passe plutôt bien.
Après les cours, on passe deux heures au café avec Judicaël qui nous parle de son expo.
Ce qui m’attriste, c’est de constater le peu d’emprise que j’ai sur mon propre cerveau : je suis incapable de penser à autre chose qu’à É*.
Je suis un être binaire : si É* est 1, alors tout le reste est 0. Cela fait longtemps que j’ai compris que je fonctionnais par obsession.
Je m’en veux, car j’aurais bien d’autres choses à raconter pourtant.
Maman est à l’hôpital. On l’opère demain.
Seb est venu nous tenir compagnie et on passe une bonne soirée.
Ça fait bizarre quand elle n’est pas là.
Si je n’aborde pas É* plus vite, je le perds. Je n’ai plus que deux semaines (qui sont courtes, en plus, car les lundis sont fériés).

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no8 (intitulé Croissance exponentielle, 19 mars – 23 juin 2006), j’ai dix-huit ans.