C’était mon cadeau d’anniversaire : J.-E. m’a emmené voir la mer. On a pris le train à travers un brouillard opaque. Dans cette ville où nous arrivons, les avenues sont larges et longues, les immeubles hauts. On n’en voit pas le bout, ni le haut : perdus dans la blancheur épaisse de cette atmosphère bizarre. La mer est glacée, sans doute. Deux garçons nous disent bonjour, sur la plage : ils sortent de l’eau. Ils ne sont même pas bleus. Alors que nous, nous sommes engoncés – moi dans mon blouson, J.-E. dans son manteau. Et le vent ! Les goélands sont posés dessus, ailes ouvertes, ils dérivent. Ils voient la ville de haut : son plan hippodamien, son rythme musical, les travées toutes égales, le métronome bloqué à six mètres vingt-quatre. Nous, nous marchons, au sol. Nous tombons sur un porche, percé dans une barre d’immeubles. Ce devrait être une ouverture, un débouché, mais dans son encadrement on ne voit rien. Un écran blanc. On pense : « Le ciel est tombé, on ne voit plus au travers ». Mais on se trompe, car la masse de brouillard se dissipe et, ce qu’on voit au bout de ce passage, c’est la surface blanche et mate d’un nouvel édifice, d’une forme et d’une couleur inédites au milieu des parallélépipèdes de béton gris. Un volcan qui semble de plâtre. Dans son cœur, des livres. Et aussi : un café, où nous nous sommes réchauffés. Ce lieu aussi, c’était du béton, mais c’était doux.
Plus tard, quand les dernières brumes se sont dissoutes, nous sommes montés sur les collines, pour embrasser la ville du regard : au loin, le port, les grues, les silos. Là-haut, c’est un fort vidé de ses militaires, transformé en jardin botanique. On en fait le tour (un chemin de ronde), on s’en échappe par une porte creusée dans la muraille (un chemin de traverse). Au bout, c’est une autre commune et, dans cette terre-là, quelques ancêtres de J.-E. sont enfouis. Nous n’avions pas prévu ce pèlerinage : c’est improvisé. Nous allons au cimetière et cherchons, dans la botte de foin, une aiguille où serait encore lisible le nom des aïeux, car c’est dimanche et le bureau de la conservation est fermé. Personne pour nous aider : tant pis ou tant mieux. Si la pierre est encore là, et les os dessous, il y a fort à parier que les lettres et les dates gravées dessus ont été mangées par la mousse. On déambule, on scrute. Je trouve une fontaine : l’eau est glacée, je me frotte les mains dessous avec vigueur. Je les lave. Parce que, un peu plus tôt, nous avons rencontré des moutons. Pourquoi faut-il, dès que je vois un mouton, que je lui caresse le crâne, que je cueille pour lui un bouquet d’herbe grasse, que je lui laisse la happer avec ses grosses lèvres ? Il était un peu crado, ce mouton, la laine grisâtre. Il avait une bonne tête. Et ses coups de langue sur ma paume, pour ne pas manquer le dernier brin d’herbe, c’était un peu dégueu, mais c’était doux.
Avez vous pu faire un tour à Etretat, sa fameuse fascinante falaise et son pic ? Honfleur ? La mer nous manque à Céline et moi…..
Amitiés, Éric
Pas cette fois-ci, non :)
Plutôt son aiguille !