Se promener dans Paris ou dans le plan de Paris sont deux plaisirs, desquels je ne saurais choisir mon préféré. Dans ce plan-ci, mon plaisir est localisé particulièrement au centre de la page — à l’endroit de la place Robespierre (et de la rue du même nom). Nous sommes juste après 1946 : la place du Marché-Saint-Honoré (et la rue du même nom) rendent hommage à celui qui habitait à deux pas et qui embrasait de ses discours le club des Jacobins situé précisément ici.
Les auteurs du plan ont craint que les Parisiens se perdent (la période était riche en changements de noms) : aussi, l’index indique (hou, le pléonasme) simultanément la localisation, d’une part, de la place Robespierre, dans la rue Robespierre, débutant elle-même rue Saint-Honoré ; et d’autre part, de la place du Marché-Saint-Honoré, dans la rue du Marché-Saint-Honoré, débutant dans la rue Saint-Honoré. De la deuxième proposition naît le trouble du visiteur qui, guidé par les précisions de l’index, cherchera en vain sa rue sur le plan. Il se perdra — l’heureux homme ! Parce que le temps est passé à toute vitesse : l’époque a changé, la ville a changé, le dessin du plan a changé ; la liste alphabétique a fait ce qu’elle a pu. Et le cœur des mortels, on le sait, reste à la traîne.
En 1950, Robespierre retourne aux oubliettes (que sont devenues ses éphémères plaques de rue ? Quel admirateur fétichiste s’en sera saisi ?) Danielle Casanova, nommée à la même époque, est restée (ouf). Et les fâcheux se rassurent : si Paul Déroulède a été chassé du Louvre en 1957 (on dit maintenant avenue du Général-Lemonnier), il est encore planqué dans le 15e, du côté de la Motte-Picquet — et Maurice Barrès reste sur sa position, au coin de la rue Cambon.
Il n’a pas encore été question, a priori, d’appeler la place Vendôme place Gustave-Courbet. Ç’aurait été marrant.
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