Et si aujourd’hui était un jour sans ?
Je n’ai pas ajouté une ligne au texte commencé hier, qui m’avait pourtant fait plaisir. J’ai passé du temps sur cet écran, à parcourir des papiers qui ne sentent même pas la poussière. J’y ai lu le désarroi d’un conseiller municipal de Montauban qui se demande, le 10 mai 1830, « comment rapprocher de si près et sans inconvénient la vertu et la débauche ? » Puis, j’ai lu la confiance de cet autre qui, au lendemain de la révolution des Trois-Glorieuses, la même année, félicite le maire « dont le zèle et le caractère conciliant ont puissamment aidé au maintien de la tranquillité publique dans cette ville, durant les grands événements qui viennent de s’accomplir ».
J’ai appris que les deux hommes et la femme Osage, qui ont échoué à Montauban en 1829, étaient au nombre de six quand ils ont débarqué au Havre deux ans plus tôt, mais qu’ils se sont séparés ensuite à cause d’un désaccord quant aux moyens de regagner leur terre. À propos de leur peuple, un livre dit que « ce sont, en général, de très-beaux hommes, très-bien faits » et qu’ils « ont des dents très-blanches et très-bien rangées ». Par chance, « nous n’avons pas ouï dire qu’aucune des nations indiennes du Missouri fût accusée, même par ses ennemis, de manger de la chair humaine, par choix ou pour satisfaire une horrible sensualité ». Le secret de leur beauté n’est donc pas à chercher dans cette direction-là.
Je n’ai rien fait, aujourd’hui. Le journal me sert à ça : les jours où je ne fais rien, je fais au moins ça.
J’ai parlé au téléphone avec J.-E. et avec J. Puis, j’ai échangé des messages avec L., avec W., avec S., avec G., mais les voix et les corps m’ont manqué : j’avais envie de la présence physique de mes amis, dont le corps vivant aurait empli l’espace devant moi, face à moi, de l’autre côté d’une table sur laquelle refroidiraient des cafés, ou tiédiraient des bières. J’ai lu qu’on allait rester enfermés ainsi jusqu’au 15 avril au moins et ça m’a fichu un coup. Je serai sans doute à Paris le 10 avril : alors J.-E. ne me manquera plus, mais les amis resteront cachés derrière ces messages frustrants sur l’écran froid de mon téléphone.
J’ai parlé au téléphone avec Rémy Torroella et, à travers lui, avec les auditeurs de CFM Radio : l’émission s’appelle Gardez le lien, elle a pour mission de pallier ce manque que j’éprouve et que nous éprouvons tous. J’ai dit quelque chose dans ce genre de : « avec le web et la vidéo, j’entretiens quand même un contact avec les gens, je ne suis pas seul ».
Je publie aussi mes deux dernières lectures. Autrefois, des gens partaient en vacances ; autrefois, des gens se touchaient et, même, s’embrassaient. J’aime faire ces vidéos : quand je ne fais rien, je fais au moins ça.
Laisser un commentaire