En relisant ce que j’ai écrit le 20 janvier à propos des Faux-monnayeurs, je me rends compte à quel point c’est inepte. N’importe quoi ! Ce bouquin est un chef d’œuvre, j’en garde une excellente impression, et son auteur est un génie. J’aurais pu parler du style si particulier, qui parvient à rendre un pavé de cinq cent pages aussi fluide.
Je lis W ou le souvenir d’enfance de Perec. C’est passionnant. J’aimerais lire un jour La disparition, son livre écrit entièrement sans « e ». On doit lire W pour le cours de français, en plus de Lambeaux, au choix avec Les mots de Sartre ou Enfance de Sarraute. S* les a tous achetés, c’est elle qui me l’a prêté. Elle est venue à la maison vendredi après-midi, pour la première fois. On a papoté pendant trois heures, de tout, de vacances, de bouquins, de cinéma, de religion (sujet incontournable avec elle), de famille. Et de W*. Encore lui. C’est pas juste ! Pourquoi eux deux, et pas moi ? Je commence à me poser de sérieuses questions. Pourtant, je pense être normal… Mais non, je ne le suis pas ! À seize ans, ce n’est pas normal de n’avoir jamais été amoureux, ni d’une fille ni d’un garçon (ben oui, au moins, si j’étais pédé ça expliquerait tout, ben non, même pas). Enfin, ça viendra quand ça viendra…
Dans mon rêve d’hier, on était dans une sorte de résidence de vacances. Un appartement comme le nôtre, mais en étage. En bas, j’aperçois une fille, genre pas mal. J’ai envie de la rejoindre, mais je suis déçu quand je la vois. C’est con comme rêve. Enfin, ça n’en est qu’un petit bout, ce n’est pas le sujet principal. Pendant ce temps, des gens jouaient à je-ne-sais-quoi autour d’une table. Une fille se baisse et se cogne à la table. Elle meurt. On me dit que c’est Lisa (celle qui est dans ma classe).
C’est marrant : je me souviens de tous mes rêves, en ce moment. Cette nuit, j’étais avec maman dans la rue. On rencontre Nounou (c’est con de l’appeler comme ça, mais je n’ai jamais fait autrement quand j’étais petit). On dit bonjour, on fait la bise, on donne des nouvelles, on dit au revoir, on refait la bise. En partant, je croise des gens : Nathan, par exemple.
Une autre nuit, pendant ces vacances ? J’ai rêvé du chien de la maison en face de ma fenêtre. Dans la réalité, il hurle parfois, et m’a réveillé plusieurs matins. Dans mon rêve, on m’apprend que ce n’est pas un chien qui hurle, mais quelqu’un qui souffre. Il doit vraiment avoir très mal pour faire des bruits pareils. Plus tard, je croise Mme G* et je suis un peu mal à l’aise, parce que je crois que c’était elle qui faisait ça.
Ce qui est marrant, c’est de voir les personnes mêlées à ces histoires. Pourquoi elles ?
Quelquefois, il m’est arrivé de rêver de papa. Le rêve se passait normalement. Quand, plus tard, je m’en souviens, ça me met un peu mal à l’aise.
Un jour, en cours d’espagnol, le prof nous dit qu’il a des problèmes de mémoire (il venait de se tromper sur des devoirs) à cause de ses insomnies. Quelques jours plus tôt, il nous avait confié qu’il était mal vu par les autres profs parce qu’il organise toujours des voyages et passe pour un fayot. Bref, il nous avait confié des trucs personnels. Ce n’est pas son habitude. Et moi, la nuit, j’ai rêvé qu’il continuait : il a des insomnies, c’est dur à vivre, sa femme en a marre, elle veut divorcer, alors il est malheureux.
Autre sujet. On a reçu l’invitation de ****, illustrée par mes dessins. C’est classe. J’adore ! Je suis très fier. Ce dossier va être présenté à des tas de gens.
Je devrais travailler. J’ai horreur de ça. Mes devoirs, je les ai faits à reculons. Je n’avais pourtant pas grand-chose, pour les vacances : une question de synthèse en SES, soit environ quatre heures, et un TD d’histoire, soit environ autant. Plus quelques révisions. J’ai avancé un peu le TPE aussi : j’ai commencé à rédiger l’histoire de Chypre. Il faut vérifier et reformuler un document très complet, mais c’est une traduction du turc, la syntaxe est bancale, l’orthographe à mourir de rire, et les informations très partiales.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.