Des mots sont passés

« Tu m’enverras une carte postale de Montauban ? » J’ai l’habitude d’envoyer une carte à R. et S. à chaque fois que je suis en voyage : R. me montre la boîte où il les range, avec celles de sa famille. Et des photos, et d’autres trésors. Quand j’avais l’âge de R., ma mère nous habituait, ma sœur et moi, à écrire des cartes quand nous partions en vacances. En réalité, elle profitait de nous pour ne pas les écrire elle-même : on faisait des dessins, et elle ajoutait un petit mot. La plupart des gosses de mon âge ont fait comme moi, j’en suis sûr, puis ils ont laissé tomber. Moi, je continue, mais pas avec tout le monde. Le truc chouette avec R., c’est qu’il en écrit aussi.

On était chez eux, hier. Les parents parlaient avec J.-E. de choses dont parlent les adultes. J’étais assis par terre avec S. qui me montrait un jouet : on place une sorte de diapositive sur une lumière, à l’intérieur d’un caisson transparent, puis on met une feuille par-dessus le couvercle en plexi. Et on décalque l’image. Il paraît que c’est une idée du père Noël. Est-ce qu’on croit au père Noël, à quatre ans ? Il étalait toutes les diapos, j’ai proposé de choisir un animal. Il m’a demandé : « C’est un animal, celui-là ? », en me montrant un chat habillé qui jouait de la guitare. J’ai supposé que oui. Alors, il s’est appliqué. Il a commencé à repasser les traits sur son papier. Sa petite main occupée à cette tache méticuleuse, et ses oreilles grand ouvertes sur la conversation sérieuse d’à côté. Et les neurones, qui n’en perdent pas une miette. Il me demande :
« C’est quoi, résister ? »
Je n’écoutais pas, moi, ce que disaient les grands, alors je ne sais pas pourquoi ce mot a surgi. J’explique :
« Par exemple, tu as envie de faire un truc, mais quelqu’un t’en empêche. Alors, toi, tu décides de ne pas te laisser embêter. Tu fais ton truc quand même.
— Ah, c’est comme se défendre, alors. »
Il passe son dessin en revue, vérifie qu’il n’a pas oublié une chaussure du chat. D’autres mots passent dans la pièce, des sons, des ondes qui traversent nos têtes.
« Et c’est quoi, la volonté ? »

C’était le petit déjeuner d’après réveillon, c’était le 1er janvier. Et voilà, nous sommes en 2020.

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