Vendredi 7 avril 2006

À 10h30 je viens trouver le prof de com’ M. Thibault pour lui montrer mon travail : je me pointe pendant son cours avec les première année de BTS… D’où : occasion de voir É*. D’échanger deux mots avec lui — mais pas les mots que je voudrais.

À 11h30 je m’impose à leur table, et j’ai assez bien calculé mon coup pour me trouver face à lui, comme la première fois. Et, comme la première fois, ce n’est pas forcément lui le plus bavard.

C’est agréable. Mais, au moment où je pourrais être seul avec lui, je renonce. C’est peut-être par manque de courage, comme d’habitude, mais je crois que c’est aussi par doute. Ai-je vraiment envie de le connaître, finalement ?

Il a payé 170 € une place pour un concert de Madonna.

J’ai peur.

Est-on obligé d’être une caricature quand on est homosexuel ? Est-on obligé d’être fan de Madonna (ou de Mylène Farmer, comme Alexandre) ? De porter une ceinture arc-en-ciel ? De fréquenter les boîtes de nuit ? J’ai peur qu’Édouard soit encore un représentant de cette gayttitude branchouille à la con.

J’ai l’impression que tous les homos se ressemblent. Qu’il n’y aurait qu’une manière d’être homo… et que moi, je ne serais pas comme eux.

Après ce déjeuner, je sors, mi-content, mi-déçu. Je vais à l’annexe, en cours de textile, pour faire part de mes impressions à Camille G* et Célie.

Dès ce soir, je regrette de n’avoir pas insisté : dans ma tête, tout redevient comme avant et, de nouveau, je me déçois de n’avoir pas parlé à É*. J’ai été con.

Je repense à la chaleur et à la douceur de sa voix, le 20 mars, quand il a approché son visage si près du mien pour me parler. Au sourire incroyable qu’il m’a fait le lendemain. À sa manière timide et touchante de garder les mains sous la table et de rire aux blagues de ses copains quand il a fini de manger avant tout le monde. À ce sourire que j’ai l’impression de percevoir sur son visage, même quand je ne le vois que de dos. À la manière dont cette fille lui massait les épaules ce matin, en classe.

J’aurais dû.


L’après-midi, je vais me promener / m’amuser. Je vais sur les lieux de l’attentat préparé par le personnage de La position du tireur couché de Manchette (le livre sur lequel je travaille en com’) : avenue Montaigne, contre-allée gauche, juste avant la rue Bayard. Je mitraille de photos, pour un projet de couverture.

Sur le chemin du retour, je prends plein de photos dans le RER, sur les pelouses, dans la rue.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no8 (intitulé Croissance exponentielle, 19 mars – 23 juin 2006), j’ai dix-huit ans.

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