Vendredi 26 mars 2004

Il y a eu cette conférence sur l’Union européenne. Le matin, l’ambassadeur letton nous a parlé de Lettonie. Puis, Catherine Lalumière, une ancienne ministre qui est parlementaire européenne, nous a parlé de l’élargissement du 1er mai prochain. L’après-midi, une parlementaire finlandaise a parlé de la Finlande, en anglais. Je n’ai pas tout compris, c’était difficile. Mais le pire, c’était les questions de certains élèves. Certains étaient britanniques (c’est pourquoi on les avait sélectionnés pour assister à la conférence). Moi, je n’ai posé aucune question, parce que mon accent est pourri et que, de toute façon, je ne comprenais pas ce qui se disait. Puis les Chypriotes sont arrivés. Un mec, genre stéréotype de Grec, grand, brun. Et une étudiante. Soulagement : ils parlaient français ! C’est surtout S* qui a posé les questions. C’était très intéressant. À la fin, on a pu garder deux petits bouquins et une brochure sur Chypre, ça nous servira pour notre TPE.

Aujourd’hui, j’ai fini les cours à 14 heures comme tous les vendredis. À la maison, je me suis occupé un peu de Torink : j’ai créé un jeu de Memory pour le site (j’ai trouvé le script sur editeurjavascript.com) et je l’ai mis en ligne. On doit reconstituer les paires identiques : ce sont des petits dessins de Torink et d’Otto Troff.

J’adore Otto Troff. Ça m’éclate de faire ça. Des fois, je suis mort de rire, rien qu’en ayant une idée. Otto Troff est un protozoaire autotrophe (d’où son nom) et ses histoires sont bourrées de jeux de mots foireux et de calembours atroces. En cours de SVT, j’ai imaginé ce nom pour un neurone qui serait l’ami d’Otto : Sean Haps, comme une synapse. J’adore. Je l’ai mis dans un strip. J’ai une autre idée de nom, mais je ne sais pas comment l’utiliser : Jorg Anizm Ünizelüler… C’est affreux… Que pourrais-je bien en faire ?

Dans dix jours, une grande partie de ma classe part en Espagne. Pas moi. Mardi, B* s’est désisté. Il ne veut plus partir. Comme ça, au dernier moment. Tant pis pour lui, tant mieux pour moi. Je ne serai pas seul : on sera deux. J’aime bien B*. Il est spécial, comme type. Je ne le connais pas très bien, il n’est pas vraiment causant. Pourtant, il y a plein de choses à connaître sur lui, il est très intéressant. Et puis, il est sympa et marrant. Par rapport à ses parents, il a une situation particulière : il vit avec sa mère et sa sœur et, si j’ai bien compris, son beau-père qu’il n’aime pas. Par contre, il aime son père (normal) et en veut à sa mère de l’avoir laissé tomber pour se mettre avec le nouveau type. Je crois qu’il le vit assez mal. Je ne le connais pas depuis longtemps, mais je le considère déjà comme un ami. Je crois que je peux tout lui dire, je lui fais confiance. C’est bien, ça. En revanche, j’ai du mal à comprendre pourquoi certains rechercher ma compagnie, à moi. Je ne vois pas… C’est bizarre. Je ne suis pas très intéressant comme gars. Enfin, je veux dire : ce n’est pas très amusant d’être avec moi. Je ne suis pas pire qu’un autre, mais je ne suis pas mieux. En ce moment, je ne m’aime pas beaucoup. Je me pose beaucoup de questions. Je me demande si je fais bien ce qu’il faut, et si je ne passe pas à côté de certaines choses. Je me demande pourquoi je suis si différent : pourquoi je ne m’intéresse pas à ce qui intéresse les autres. Je n’aime pas faire la fête, être avec plein de copains, je ne sais pas m’amuser, je ne fume pas, je ne bois pas, je ne vois jamais personne, je n’écoute pas de musique, je n’aime pas les films américains que les autres jeunes aiment, je n’aime pas le sport. Pourquoi ? Je ne vais tout de même pas me forcer pour être comme les autres. Moi, j’aime la BD, le dessin, j’aime être seul, j’aime faire des trucs calmes qui paraissent chiants aux autres, j’aime les films où il y a une vraie histoire, je préfère les sentiments et la psychologie aux effets spéciaux et à l’action. J’aime voir mes amis par un ou deux à la fois, plutôt que cinquante copains d’un coup.

Mais la grande question est encore : pourquoi suis-je toujours célibataire à seize ans ? Je viens sans doute de donner la réponse : parce que je ne suis pas intéressant.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.

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1 commentaire

  1. Une situation et des questionnements qui font écho à ceux qui me traversaient au même âge. C’en est troublant.

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