B* a une copine qui s’appelle Adeline. Avant, je la croisais vaguement. Mais, samedi, elle a montré à B* un dessin qu’elle avait fait. Celui-ci lui a dit que je dessinais aussi, et elle m’a demandé conseil. Maintenant, on cause un peu dessin. Je la connais mieux. Elle est vraiment étonnante : elle a une énergie dingue, toujours des trucs à dire, elle se marre tout le temps. Épuisant ! Hier, je lui ai montré trois planches que j’avais avec moi (je les avais prises pour les photocopier au CDI). Aujourd’hui, c’est elle qui m’a montré un dessin. J’aime bien ça. Moi qui ne connais pas beaucoup les autres gens, je la trouve sympa.
Je devais photocopier ces trois planches au CDI, mais la photocopieuse ne fait pas les réductions de format. Alors, Mme L*, la documentaliste, me l’a fait sur sa photocopieuse à elle, gratis… C’est sympa, mais je ne pourrai pas abuser, il faudra que je trouve un autre moyen. D’habitude, c’est maman qui fait ça à son boulot, mais je n’avais pas très envie de lui montrer ces planches-là. Peut-être quand j’en aurai fait plus.
Ça m’inspire bien, de raconter ma vie – façon de parler – dans mes bandes dessinées. Pour le moment, j’ai : une planche sur la brocante ; deux sur Saint-Germain et Parly 2 ; une que je viens de terminer, sur le cours de français. C’est la prof qui me soutient que « rutilant » veut dire « brillant », mais n’a aucun rapport avec la couleur rouge… Je sais qu’elle a tort. Je vérifie chez moi, dans le Larousse : « rutilant » veut dire : « d’un rouge brillant ». Et toc. La prochaine que je dessinerais, c’est à propos d’aujourd’hui : à la presse, on m’a rendu un billet de trop et j’ai signalé l’erreur au mec. Honnêteté, ou simple réflexe ?
J’aimerais raconter ce truc qu’il est arrivé en octobre dernier. Le dimanche matin, je vais seul au marché, il est relativement tôt. Dans l’impasse, un gamin passe par-dessus le portail de chez lui il se retrouve sur le trottoir. Bizarre… La porte de sa maison est fermée. Où sont ses parents ? Il est tout seul dehors. Quand je passe, il m’interpelle (je ne sais plus de quelle façon) et me demande comment je m’appelle. Il me dit son prénom. Il me parle d’un copain à lui. Je ne comprends pas tout. Puis, comme un con, je prends congé. Je le laisse là, seul. Je ne lui demande même pas ce qu’il fait dehors, devant chez lui, à cette heure ! Après coup, je cogite… Je m’inquiète. Au retour, il n’est plus là, bien sûr. La porte de chez lui est toujours fermée. J’imagine qu’il est entré dans la maison. Ou bien, j’y pense maintenant, cette maison n’était pas la sienne, mais celle du copain dont il m’a parlé. Ce qui me rassure, c’est que je ne rencontre ni flics, ni parents affolés. Ma conscience se rendort, je rentre à la maison.
C’est intéressant, ce travail que je fais. Ça m’incite à voir que, même dans une vie banale comme la mienne, il se passe des micros événements. Suffisamment pour trouver matière à des bandes dessinées.

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no1 (« Journal, 14 août 2003 – 15 juillet 2004 »), j’ai quinze et seize ans.