Je sais bien que je fais des trucs. Le cadavre exquis, les lectures, l’article dans Libé, le poème chez Pou, ce blog. Je n’ai pas besoin d’être rassuré, ni qu’on me dise « mais non, tu n’es pas oisif. » Désoccupé. Mais je le sais, moi, que je ne fais rien. Je m’en sors bien, parce que mes ambitions sont minuscules, mais il me manque quelque chose de sérieux. Depuis que j’ai fini Les présents : quoi d’important ? Je repousse le moment où je commencerai le prochain chantier, qui m’impressionne. J’y pense, j’en ai envie, mais je n’ose pas. Alors je bricole. Je reste en vie. C’est J.-E. qui résume ma pensée avec les mots justes : je meuble, mais je ne suis pas habité.
Lecture des premiers textes reçus dans le cadre de cet atelier d’écriture. On se projette dans les lieux par l’imaginaire, et cet imaginaire convoque à son tour des souvenirs. Réels ou pas, peu importe : si on s’en souvient, c’est que c’est vrai. Les textes ressemblent à ce que j’espérais et, à la fois, me surprennent. Ils me font parcourir des lieux désormais désertés, hantés, inhabités.
Je pense à trop de trucs, je m’éparpille. Je gaspille les connexions de mon cerveau pour essayer de comprendre ce qui n’en vaut pas la peine, ou pour me projeter vers des temps qui n’ont aucune réalité (genre : dans quelques semaines). Ma tête est pleine, mais elle est encombrée. Meublée de dix-huit chaises empilées les unes sur les autres, alors que je vis seul dans cette boîte crânienne. Meublée de placards insensés, de ces caisses qu’on n’ouvre jamais, de ces affreux buffets bretons en bois sculpté qui prennent la poussière, des bibelots absurdes qu’on sème dans les appartements de vacances, pour occuper l’espace. Meublé, mais pas habité. Plein jusqu’à la gueule, mais pas plein d’une présence, de la seule présence qui vaille le coup. J’essaie de la vider, ma tête, en me concentrant sur les mouvements de mon corps immobile : souvent, emplir tout l’espace de ces sensations suffit à chasser les parasites. Mais là, concentrer mes pensées sur la pression du drap contre ma peau, eh bien, ça ne marche pas du tout. Au secours. C’est ennuyeux à mourir.
Alors, contre ma peau, c’est la brûlure délicate du soleil et le tiraillement du sel que j’ai ressenti : j’ai emprunté ce chemin de crête inhabité, s’élevant de la mer pour y plonger à nouveau. Ce chemin parcouru l’été dernier, désert, et en ce moment plus encore sans doute. J’ai marché au long de cette ligne que ma mémoire avait gardée, puis, tout doucement, je m’en suis échappé. J’ai imaginé autre chose. Un espace, des gestes et des sensations. Et c’était beau. Moi qui n’ai pourtant aucune imagination – c’était donc une joie plus grande encore, pendant ces minutes, d’y être arrivé. N’être plus encombré, mais empli. Pas meublé, mais habité.
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