Mercredi 24 août 2005

Ça continue… J’ai renvoyé un Riri le Clown à B* tout à l’heure. J’en suis particulièrement fier, il m’a bien fait marrer. Je sais déjà quels seront les prochains Riri. Je vais amener en douceur le sujet sérieux, à savoir : « Je ne veux pas te perdre, mais toi, que veux-tu ? » C’est un travail complexe et subtil, qui s’étale sur plusieurs jours… Mais les trois prochains jours, il n’y aura pas de Riri, puisque je pars à Goudelancourt.

Assez parlé de B*. Racontons le reste de la journée, plutôt. J’ai fini de faire du tri dans mes cours de Terminale, j’ai encore bazardé quelques vieux trucs inutiles. Ça me fera du chouette papier de brouillon : par exemple, j’ai imprimé mes derniers mails à B* au dos d’une carte de la mégalopole japonaise.

J’ai terminé Sur la route. C’est un grand livre. J’aime son écriture brute, sauvage, directe, sans fioriture. Il se passe mille choses en une phrase (alors, en quatre cents pages, vous pensez !) Les dialogues du personnage de Dean Moriarty sont dingues, à la fois profonds et complètement loufoques (le mot « loufoque » revient très souvent dans le livre).

Un truc dingue m’est arrivé cet après-midi. Je sors du Monoprix du Vésinet, je passe devant la boucherie… Et là, qui est là ? À un mètre de moi, en train de regarder la vitrine ? Marcel Gotlib himself ! C’est de la folie furieuse ! Il est entré dans la boutique. Je suis resté devant, à marcher sur le trottoir d’en face, à tourner en rond. Je me demandais ce que j’allais faire… Allais-je lui parler ? J’en crevais d’envie ! Gotlib, c’est ma référence, l’auteur que j’admire le plus… J’ai cherché dans mes poches : je n’avais ni papier ni crayon pour lui demander de me dessiner une coccinelle. Il est sorti de la boutique… J’hésitais toujours. Par peur de le déranger et, surtout, par manque de courage, je l’ai laissé monter dans sa voiture (rouge bordeaux) et partir, devant mes yeux… J’étais stupéfait. Je n’en revenais pas. Lui, ici ! Et moi qui n’avais pas osé…

plus tard

Ce soir, à table, je me suis senti mal. Je suis trop excessif. Je m’explique. De nouveau, Juline a parlé de chercher du travail pour septembre. Et paf ! Revoilà cette bonne vieille culpabilité qui me tombe dessus, celle de n’avoir pas cherché de travail pour mes vacances qui s’achèvent. Puis, maman a parlé de la rentrée très prochaine, et de toutes les choses qu’il y avait à faire avant… et paf ! Me revoilà écrasé par le poids des responsabilités — responsabilités très modestes, pourtant.

Je ne devrais pas changer aussi facilement d’humeur, passer si rapidement du bon au mauvais moral… Comment si peu de choses peuvent-elles m’atteindre si profondément ? Pourquoi est-ce que je ressens cette culpabilité confuse, d’être en vacances et de faire ce que j’aime ?

Je viens de relire trois cent pages de mon journal : le volume 4 (« À la découverte de la vie normale ») et presque tout le volume 5. Voici mes conclusions. Je trouve que le volume 4 est très bon. Il est assez bien écrit, les événements traités sont bien choisis, c’est parfois drôle. Sur le volume 5, je suis réservé. Dans l’ensemble, ça me plaît aussi, quand j’écris dans mon style traditionnel. En revanche, je regrette les quelques pages où je me suis « lâché », où j’ai dessiné et écrit dans tous les sens… À vouloir être plus « libre », j’ai surtout produit un ensemble confus, décousu. Je regrette également le ton de certains passages, où j’ai essayé d’être le plus précis possible, en négligeant le style. Finalement, le résultat n’est pas intéressant à lire. Par exemple, quand je relate une journée en disant « J’ai fait ceci, cela, etc. », sans rien développer, ça n’a aucun intérêt. Ces petites notes sont agréables à écrire, mais au bout de quelque temps elles sont vides de sens. Non, ce que je veux faire, c’est ceci : ce que je fais en ce moment même : de l’écriture pure. Ça, c’est intéressant. Même les collages de ce matin, je les regrette déjà.

J’ai aimé ma manière de raconter B* dans ces trois cent dernières pages. C’est direct, spontané et sincère. On la sent, la sincérité !

Quand je repense à certains passages de ma BD B*, je suis un peu déçu. Le texte y est très travaillé, et j’ai l’impression qu’il y a moins d’émotion que dans les quelques phrases que j’avais jetées dans mon journal… Je trouve que les narratifs de ma BD sont trop graves, trop solennels, trop travaillés ; pas assez sincères. Ce ton ne me ressemble pas, je ne m’y reconnais pas. Dans mon journal, j’ai mis (même sans le chercher) un peu d’humour, un peu de fraîcheur, de naturel ; dans ma BD, je suis trop sérieux, et ça perd peut-être de sa force…


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no6 (intitulé Mieux dans mes baskets, mieux dans ma vie, 3 août – 25 novembre 2005), j’ai dix-sept ans.

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