J’ai envoyé ma carte à B*, avec un dessin au recto et le poème au verso, dans une enveloppe dessinée aussi.
Hier, dans le centre d’Aix, j’ai été à Objectif Bulle, une librairie de BD d’occasion que j’avais découverte il y a trois ans, lors de nos vacances à Marseille. Mais je suis vite ressorti : je n’avais pas envie de fouiller. Par contre, il y avait aussi une librairie Album (je n’avais jamais été dans une librairie Album). C’est terrible, c’est immense. Le rayon « indépendants » est bien fourni. Je voulais tout. Des tas de bouquins dont j’ai entendu parler ! Voici ce que j’ai failli acheter : Journal d’un album de Dupuy et Berberian ; Adieu Chunky Rice de Craig Thompson ; un Lapin (la revue de l’Association) ; des Blutch ; découvrir Baudoin ? Finalement, j’ai acheté la revue Ego Comme X no7, avec trente pages de Neaud dedans (les pages sur son Émile : j’ai lu quelque chose à ce sujet sur un site Internet consacré à Neaud).
L’après-midi, on a été à la plage à Marseille avec les O* (sans C*). À un moment, j’ai remarqué un type derrière moi : il était tout simplement magnifique. Un corps idéal, j’étais en face de la beauté pure (j’aime bien cette expression, car elle exprime vraiment ce que j’éprouve). Il devait avoir vingt-cinq ans, peut-être un peu plus, musclé, le torse glabre, une belle gueule (et ce n’est pas toujours le cas, quand on a affaire à un si beau corps). Je l’ai surtout vu de dos, mais il allait se baigner de temps en temps en passant devant moi. Il était absolument impossible que je détache mon regard de lui. Je sais qu’il m’a vu, mais je ne pouvais pas faire autrement. À chacun de ses mouvements, une émotion terrible m’envahissait. Il était seul, avec un type plus âgé qui ne se baignait pas, que j’ai cru bon d’identifier comme son père. Quand il sortait de l’eau, il pressait un peu son bermuda (bleu, à fleurs) pour le sécher, et c’était… heu… troublant. À un moment, il a même écarté un peu la ceinture de son maillot pour le secouer, et je me suis dit : quelle inconscience ! Si j’étais placé plus près de lui, et plus haut, j’aurais tout vu. Ce qui m’a séduit chez lui, c’était son insouciance vis-à-vis de la propre beauté. Avec un corps pareil, beaucoup de types s’exhiberaient. Lui, il restait dans son coin, tranquille (je trouvais cela adorable : les vacances en famille, entre hommes). En partant, je suis passé devant lui, et je les ai entendu parler une langue inconnue, peut-être du polonais, ou une autre langue slave ? Une langue qui le rendait encore plus séduisant, en tout cas !
À part ça, à la plage, c’étaient des galets, des cailloux, et dans l’eau : des rochers. En me baignant, je me suis salement entaillé le pied droit. J’ai fichu du sang sur ma serviette, c’est comme ça que je m’en suis aperçu (car ça ne faisait pas encore mal). Une dame, placée pas loin de nous, m’a vu. Compatissante, elle m’a donné un pansement.
Lundi soir, une aventure : il y avait un frelon énorme dans l’appartement, on n’arrivait pas à s’en débarrasser. Je suis flippé à mort avec ces bestioles, et maman n’est pas rassurée non plus. Je vais demander de l’aide aux voisins en frappant à toutes les portes de l’étage. À la 8, il n’ouvre même pas sa porte et me dit, à travers elle : « I don’t speak French. » Je renonce à lui expliquer en anglais. À la 9, ça ne répond pas. À la 10, c’est nous. À la 11, ha ha… un jeune Allemand (vingt-cinq ans), pas mal du tout, l’air très fatigué, sympathique, mais un peu paumé. Je m’excuse de le déranger. Il me dit en anglais qu’il ne parle pas français, « but I speak a little bit English. » J’essaie de lui expliquer : « I have a big… insect… and I don’t know how to… Do you have… a bomb ? » (À mon avis, on n’appelle pas ça « a bomb », mais il comprend quand même, et il dit : « Oh no, I’m afraid » avec l’expression sur son visage qui dit : « Je suis désolé, je n’y arriverai pas. » Je réponds : « Me too ! » avec un sourire, je le remercie et je m’en vais. Il m’a plu. Il était sympa. Et j’ai aimé communiquer avec lui dans une langue qui n’est ni la sienne, ni la mienne. À la porte 12, une femme m’ouvre. Elle me dit : « Pas de problème, je m’habille et on arrive. » Avec son mari, elle rapplique : « Oh, mais c’est rien du tout ! » Un coup de bouquin bien senti, et paf, la bestiole est occise.
plus tard
Erratum : l’Allemand de la 11 est un Italien ! Je n’en reviens pas. Mais c’est pourtant vrai, car la plaque d’immatriculation de sa voiture le prouve. Et le « TO », serait-ce pour « Torino » ? Serait-il de Turin ?
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no6 (intitulé Mieux dans mes baskets, mieux dans ma vie, 3 août – 25 novembre 2005), j’ai dix-sept ans.