Mardi 28 mars 2006

Ce matin, en expression plastique, je suis bon.

Enfin, Duperré se mobilise contre le CPE. Avec quelques collègues Duperriens, nous rejoignons les autres étudiants en école d’art devant Estienne, car la manif part de la place d’Italie (chez eux) pour aller à République (chez nous). Nous devons donc subir le trajet en métro République-Italie et risquer la suffocation, l’écrasement ou la crise subite de claustrophobie.

À la place d’Italie, il y a Célie, Pauline et moi ; des filles de mise à niveau C ; Eflamm et Estelle ; d’autres du BDE. En tout, je dirais vingt-cinq ou trente Duperriens. Et nous avons perdu les Estiennois, Olivier-de-Serriens, Boulistes, Beaux-ardiens et Art-décoïstes (pardon pour ces néologismes). Deux copains de Duperriens se joignent à nous, dont un certain David : sympa et plutôt séduisant (même s’il en joue un peu trop) et, selon une intuition venue d’ailleurs, peut-être homo. Bon.

Bien sûr, une manif, c’est lent. Surtout que nous étions 700 000 (96 000 selon la police). En deux heures et demie, nous n’avons fait que Italie-Austerlitz. Je suis sorti à Austerlitz, Célie et Pauline aussi.

Je suis content. Je me sens plus utile ici que chez moi. Je suis une petite goutte d’eau dans des millions de gens, mais je suis là.

C’est ma première vraie manif. La dernière fois, j’y étais en touriste. Là, j’avais une pancarte, et un groupe avec moi.

Ce soir, je me fais engueuler par maman parce que je ne l’avais pas prévenue que j’y allais. Évidemment que je ne l’ai pas prévenue !… puisqu’elle m’avait demandé, hier soir, de ne pas m’y rendre ! Je vois ça d’ici, si je lui avais téléphoné :
« Maman, je vais à la manif.
— Je préfère que tu n’y ailles pas.
— Je sais, mais j’y vais quand même. »

Non, soyons sérieux ! Ça n’aurait pas été possible. Donc j’ai préféré ne lui en parler qu’après. Ça m’a permis de manifester le cœur léger, ce qui aurait été impossible si je m’étais fait engueuler au téléphone. Je préfère me faire engueuler après plutôt qu’avant.

Je me suis endormi avec des slogans à la con plein la tête.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no8 (intitulé Croissance exponentielle, 19 mars – 23 juin 2006), j’ai dix-huit ans.

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