Tout va bien. Et presque : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. C’est ce que je dirais si j’étais Candide.
Avec Adeline maintenant, on est copains comme cochons. Allez savoir pourquoi. Elle me sollicite pas mal, et ça me plaît.
Avec Florian, peut-être est-ce en bonne voie ? Hier, on a causé deux minutes en attendant un cours. Aujourd’hui, il m’a juste salué. C’est limité, je sais, mais on peut y croire !
J’ai eu un 18 en philo, à une disserte qu’on a faite en classe la semaine dernière : « Faut-il reprocher au langage d’être équivoque ? » Une bonne note en philo, ça me fait plaisir, c’est valorisant, alors que j’ai régulièrement des 19 en maths et ça ne me fait pas grand chose, je suis un peu blasé. En maths, on te pose une question et tu y réponds, voilà : c’est bon ou c’est faux. En philo, c’est vraiment moi dans la copie. En plus, le prof a dit – en ajoutant que c’était « une chose très rare » – que j’écrivais bien. Ça aussi me fait plaisir, parce que ça me tient à cœur de bien écrire, je soigne mon style, je trouve important de bien m’exprimer. Avec l’habitude, c’est vrai que j’ai une certaine aisance dans l’écriture, mais ça se travaille.
J’ai encore une idée de BD ! Au secours ! C’est infernal. Je m’interdis d’y réfléchir. Mais en fait, il n’y a pas de besoin d’y réfléchir, à cause de son concept même. J’explique. Puisque j’ai du mal à partir dans l’imagination pure, à construire une histoire, j’ai tendance plutôt : soit à raconter ma vie (c’est le plus facile), soit à tenter l’imagination quand même, et ça reste sage, pauvre (le dernier Anatole par exemple). J’ai une envie de fantaisie débridée, mais je n’y arrive pas. Sinon, les meilleures choses que j’ai faites, c’était sous la contrainte. J’aime beaucoup Le petit déjeuner du lundi matin qui consistait à raconter seize fois la même histoire, de seize façons différentes. Je m’en suis bien sorti, c’est drôle et intéressant. Il y a aussi Le dernier chocolat de la boîte, avec une contrainte graphique. Le premier Anatole était un peu comme ça : je l’ai commencé en improvisant. Du coup, pour la suite, j’ai été obligé d’avoir de l’imagination pour retomber sur mes pattes, faire quelque chose de cohérent. Conclusion : la contrainte ne me bride pas, au contraire elle stimule l’imagination. Je suis entièrement d’accord avec les Oulipiens et les Oubapiens. Il faut que je tienne un concept au début, puis que je brode dessus : le concept est la trame, le support.
Cette fois, le concept serait le suivant : je m’impose un sujet en pointant un mot au hasard dans le dictionnaire. À partir de ce mot, j’invente une histoire d’une, deux, trois pages, et plus si affinités. Ça m’aiguillera, ça me donnera une piste. Je pourrais faire une histoire avec des mots commençant par chaque lettre de l’alphabet, dans l’ordre. Par exemple : une histoire « A comme Anthropologue », une histoire « B comme Bicarbonate », une « C comme Chenil », D comme Dent, E comme Élévation, F comme féminisme, G comme Grenouillère, H comme Hypocondriaque, I comme Illusion, J comme Joconde, K comme Képi, L comme Lapin, M comme Mobilité, N comme Nouille, O comme Olibrius, P comme Pâquerette, Q comme Querelle, R comme Réversible, S comme Sauveur, T comme Tuile, U comme Uniforme, V comme Vicieux, W comme Wapiti, X comme Xylophage, Y comme Yellowsubmarine, Z comme Zoologique. Voilà, j’ai écrit pour chaque lettre le premier mot qui me venait à l’esprit. C’est n’importe quoi, donc ça peut être intéressant. Je garde l’idée dans un coin de ma tête pour les prochaines vacances.
Dimanche 29 (dans cinq jours), c’est le référendum sur la Constitution européenne. Je n’ai que dix-sept ans, c’est frustrant ! J’aimerais tant voter ! Je voudrais que le « non » l’emporte. En ce moment, il est à 53 % dans les sondages.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no4 (À la découverte de la vie normale, 13 avril – 6 juin 2005), j’ai dix-sept ans.