Mardi 21 juin 2005

Je me suis collé devant l’ordinateur. J’ai imprimé le Riri le Clown de vendredi : je le mets page suivante. J’ai tapé les scénarios de G (« Gratis ») et de T (« Tatouer ») et fait une quatrième version de A (« Arcade ») qui me posait problème. Et je me suis promené sur Internet. Je suis retourné sur le forum Doctissimo sur l’homosexualité, où je n’avais plus mis les pieds depuis des mois. Je me suis attardé sur un sujet en particulier, où le mec racontait que son meilleur ami essayait, non sans mal, de lui faire son coming out… et avait l’air amoureux de lui. Or, le mec disait qu’il se sentait attiré par son ami, lui aussi… Ce mec écrivait bien, je me suis laissé prendre par son histoire et par les conseils des autres. Ces deux garçons qui se cherchent l’un l’autre et qui, pourtant, sont visiblement amoureux : quelle belle histoire ! Je suis sentimental et je ne peux pas m’empêcher de rêver à B*.

Plus le temps passe, plus mon espoir grandit. J’ai l’impression désormais que quelque chose est possible, même si, rationnellement, tout me prouve que non. Il faut que je le revoie et, cette fois-ci, que je lui rentre dedans franchement. Que je le secoue. Que je lui pose les bonnes questions. Sinon, je ne m’en sortirai jamais. Je suis affreusement timide, mais il est pire.

Je ne comprends pas. Pourquoi, vendredi, ne m’a-t-il pas dit que je n’avais rien à espérer ? Est-ce possible qu’il ait oublié de le dire ? Que ce soit une négligence ? Je ne peux pas m’empêcher d’espérer qu’il a laissé planer un doute, même si je sais que c’est absurde. Peut-être lui-même n’est-il pas capable de répondre ? Peut-être est-il dans le flou ? Ouh la là, je m’emporte. Calme-toi.

J’ai rêvé de lui. Est-ce que la montre a une portée symbolique, dans les rêves ? J’ai encore rêvé de montre. La dernière fois, c’était la sienne que j’attachais à mon poignet. Cette nuit, j’ai rêvé que j’essayais d’attacher la mienne et qu’il m’aidait à le faire : sa main ajustant le bracelet sur mon poignet, il y avait quelque chose de très tendre dans ce geste. C’était très beau.

Et puis, on était au cinéma (ce rêve est donc le prolongement de mes pensées diurnes, car j’ai imaginé, hier, que j’allais au cinéma avec lui). Nous étions côte à côte. Mais il y avait une fille devant moi (elle était avec nous). Il est assis à ma gauche. Je laisse ma main sur l’accoudoir. Il l’effleure avec la sienne. Vous voyez le genre : le coup classique. C’était agréable, beau et troublant.

Ça se fait, de proposer à un ami d’aller au cinéma. Mais à lui, je ne pourrais pas : il prendrait peur !

Je n’aime pas mon corps. Il faudrait que je fasse du sport, mais j’ai horreur de ça. Avec ce corps, tel qu’il est, j’ai l’impression que je ne mériterais pas un autre mec ; et encore moins un mec aussi beau que B*. Quand je regarde les autres garçons, je vois qu’ils sont tous mieux que moi. Au niveau du corps, en tout cas. Mon visage, ça va. Je me dis qu’il est impossible, impensable, de désirer mon corps.

Aimerais-je B* s’il était moins beau ? Probablement moins. Je l’aime comme il est. Et sa beauté fait partie de sa personne. B* moins beau, c’est « un peu moins B* ». Or, moi, c’est tout lui que j’aime. Mais, j’avoue : j’ai de la facilité à trouver les gens beaux. Parfois, chez un mec pas terrible, ou banal, je trouve quelque chose d’irrésistible dans son sourire, dans son regard.

C’est banal de le dire, mais tant pis : le plus important c’est le sourire et le regard. C’est ce qui me séduit le plus. Et après ? L’allure générale : un corps fin et bien dessiné (c’est-à-dire des muscles bien où il faut, mais surtout pas trop : les armoires à glace, non merci). Les bras : j’adore quand on voit les muscles de l’avant-bras bouger à chaque mouvement. Un doigt qui bouge, et hop, ça remue à l’intérieur. Ça me rend dingue. Le dos : B* de dos, c’est le haut du t-shirt tendu par les épaules, on voit les omoplates, puis on devine la cambrure de la colonne vertébrale au relâchement du tissu, qui tombe sur les fesses. Un dos nu, c’est magnifique, avec une quantité de muscles très subtils. J’aime aussi une mâchoire bien dessinée, dont on voit l’arête vive : ces muscles-là aussi, sur les maxillaires, c’est très beau quand ils jouent (lorsque le type serre les dents, ou lorsque ça tressaille sous la peau parce qu’il fait froid). J’aime quand c’est subtil. Les gros biceps, les pectoraux gonflés à bloc, bof. Mais les petits muscles fins, qui remuent à chaque mouvement, ça me plaît.

Autre chose. Jeudi soir, une vingtaine de personnes de ma classe va au resto, c’est M. A* qui nous emmène manger un couscous à Paris. On doit se retrouver au métro Saint-Michel. J’ai peur de ne pas trouver ma place. J’hésite. Et puis, ça va me coûter cher. Je ne suis pas radin, mais j’ai déjà beaucoup dépensé dimanche. Les tomes 2 et 3 de Neaud m’attendent à l’Univers du livre et je n’ai même plus assez pour payer ma commande. Je n’ai pas envie de toucher à mon livret A. Et je ne travaille pas. Alors, que faire ?

J’ai l’impression d’être un parasite. Un poids pour maman, puisque je ne rapporte pas un centime et que je coûte cher. L’année prochaine, mes études vont lui coûter beaucoup d’argent. J’aimerais un téléphone portable, mais ça coûtera cher à cause du forfait (même si on prend plutôt des cartes). Alors je n’ose pas. Je sais que c’est nul de culpabiliser : ce serait plus utile de me bouger pour chercher du boulot !

Plus tard

Il faut que je voie B*. Mais où, comment ? Que lui proposer ? Ça me gêne de lui demander de se déplacer, par exemple si on se retrouve dehors, sur les pelouses du Vésinet (avec cette chaleur ?)… Chez moi, non : ça me gêne. Et si je ne suis pas seul… Chez lui ? Pas question ! L’idéal serait qu’on se retrouve ailleurs, quelque part. À une terrasse de café ? Un lieu public est-il idéal pour parler de choses intimes ? (Et le prix de la consommation ?)

S* m’a téléphoné. Elle a enfin osé demander à son Stéphane de se voir. Elle lui a envoyé un SMS. C’est moi qui l’ai poussée à le faire. C’était son idée au début, puis elle s’est défilée. J’ai insisté. Même moi j’avais réussi à le faire avec B*, alors que c’était plus délicat ! Le fait que moi, qui me minais tellement à ce sujet, j’aie osé le faire, ça lui a donné du courage. Elle m’a dit qu’elle me tiendrait au courant.

Au fait, j’ai dessiné une planche de BD, indépendante, juste comme ça, pour rigoler. Au format A3, trois fois trois cases (c’est rare, pour moi, trois fois trois cases), dessiné au pinceau. C’est agréable, le dessin au pinceau.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no5 (intitulé B*, 8 juin – 1er août 2005), j’ai dix-sept ans.

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