Une bonne journée, ma foi. J’ai eu trois heures de philo et j’adore ça. J’ai eu une heure d’éco, c’était chiant mais vite passé. Et quatre heures de perm. Deux grâce à ma dispense de sport : j’ai passé la première à faire mon devoir de philo pour la semaine prochaine, et la seconde à manger avec S* et B*. Mais j’ai dû faire vite, parce que j’avais rendez-vous chez le kiné pour ma cheville. C’est M. K*, le kiné que j’ai vu pendant des années quand j’étais petit. C’est marrant, il se souvient très bien de moi. Il faut dire qu’on s’est beaucoup vus. Pour mon asthme, pour mes pieds plats. Il m’a manipulé la cheville pour décoincer tout ça. Il a aussi fait passer un courant électrique dedans… Ce n’est pas vraiment désagréable. Puis, je suis revenu au lycée, il restait une demi-heure à tuer. J’ai regardé au CDI quelques documents sur l’orientation, puisqu’il faut bien que je trouve autre chose que cette fichue école Estienne. Je veux trouver quelque chose d’intéressant à faire à la fac. J’ai pensé au journalisme, ou à ces trucs fourre-tout qu’on appelle « communication », ou bien information, édition… vous voyez le genre. Puis, encore deux heures de perm dans l’après-midi. La première à papoter dehors avec Mathieu, S* et B*. La deuxième, seulement avec Mathieu. Je passe de plus en plus de temps avec ce mec. Il est très sympa, très intéressant. On peut causer de tout avec lui. Au début de l’année, pourtant, je le trouvais insupportable. Tout le temps à parler de lui, à monopoliser l’attention. Ses airs prétentieux. Le genre de type infernal à fréquenter. Finalement, quand on le connaît, c’est un type très bien. Son côté énervant, c’est qu’il aime bien parler de lui (mais ce n’est pas forcément un mal), et puis son côté fils à papa (il a pas mal de thune et sa passion, c’est le golf).
Aujourd’hui, je vais plutôt bien. Hier aussi, c’était pas mal. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au sujet obsédant par excellence, qui ne me lâche pas, mais c’est normal. Sur Internet, au gré de ma navigation, je me retrouve toujours sur des sites qui parlent d’homosexualité (pas des sites de cul, des sites très bien). Par exemple : j’ai su aux infos qu’il y avait un manifeste pour l’homoparentalité dans le Nouvel Obs, alors j’ai été sur leur site pour lire la liste des signataires (j’ai appris des trucs marrants, par exemple que l’ex-ministre Aillagon était pédé, et puis d’autres aussi) et une liste de liens était proposée, donc j’ai été voir. J’ai lu des statistiques sur la proportion d’homos : personne ne la connaît précisément, elle oscille entre 3 et 8 % selon les sources (10 % selon les magazines gays). J’ai appris que l’OMS n’avait retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales qu’en 1993. Quelle aberration ! Je savais déjà, par contre, que la loi française la condamnait encore jusque dans les années 80 (à des degrés différents selon les époques et les couleurs politiques).
J’ai dépassé aujourd’hui la centième page de ce carnet. Comme le temps passe vite en votre compagnie (là, je me laisse prendre à mon délire mégalomaniaque qui me fait croire que ce journal aura un jour des lecteurs…)

Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no2 (Angoisse du doute, malaise de la certitude, 15 juillet 2004 – 17 janvier 2005), j’ai seize ans.