Vendredi 2 septembre 2005

C’était la rentrée ! Je vais tenter de raconter les choses dans l’ordre. Je me suis levé tôt, mais ça ne m’a pas posé de problème. J’ai pris le RER de 7h36. À la gare, j’ai rencontré Pierre (un type qui était dans ma classe en terminale), nous avons fait une station ensemble, car il est très sympathique (et très matinal ! Il allait rejoindre Arnaud… si tôt ?) Dans le train, j’étais peinard, il n’y avait pas grand-monde. Je trouve cela plutôt agréable, le RER, mais je sais que je vais vite déchanter quand je le prendrai tous les jours : c’est la nouveauté qui me plaît. Je regarde défiler le paysage… Face à moi, le soleil se levait tranquillement. Je regarde les gens. Sur les sièges d’en face, un couple très agréable commentait les articles du gratuit 20 Minutes.

Je suis arrivé à République très en avance. Je n’avais pas envie d’aller devant l’école tout de suite. Je n’aime pas ces situations où nous sommes plusieurs dizaines d’inconnus, patientant devant une porte close ; le silence qui règle alors est plutôt crispant, et je ne suis pas très enclin à briser la glace.

Après un petit détour, je suis tout de même arrivé à l’école. Il y avait déjà pas mal de monde. Pas mal de monde, oui… mais que des filles ! J’ai commencé à flipper : c’était exactement ce que je craignais. Le jour du concours, déjà, j’étais le seul mec dans la salle, parmi vingt-cinq candidats. Alors, je me doutais qu’il y aurait plus de filles que de mecs à l’école, mais… à ce point ! Puis, j’ai vu arriver un garçon. L’air cool, mais avec un sourire de petite frappe assez agaçant. Plutôt attirant quand même — ou peut-être me suis-je dis ça pour me rassurer ?

Quand on nous a accueillis dans le réfectoire, on nous a confirmé que nous étions cinq garçons sur les quatre-vingt-quatre étudiants de MÀNAA (Mise à niveau en Arts appliqués). Il y a trois classes de vingt-huit élèves. J’ai de la chance, car nous sommes trois dans la mienne. Je suis chanceux, certes… Mais elles aussi. Imaginez, les pauvres : quand il n’y a qu’un seul mec dans la classe et qu’il est pédé, elles ne vont pas aller loin. Dans ma classe, l’un des deux autres s’appelle Étienne : c’est bon signe. Je ne sais pas à quoi ressemblent ces deux garçons, je ne les ai pas encore identifiés. Près de moi, les filles étaient assez sympas, on a causé un peu. Je pense que tout ira très bien.

Concernant le boulot, bien sûr, ce sera chargé… mais je le savais. On a plein de matériel à acheter. Je crois que j’irai lundi, car nous devrons venir à l’école, mais seulement pour nous inscrire, ensuite nous serons libres. On nous a gardés deux heures, puis nous sommes sortis. J’ai failli proposer à une fille (avec qui j’avais un peu sympathisé) de rentrer ensemble, car elle habite dans le même coin que moi, histoire de créer du lien social dès le début… Mais j’ai préféré rester seul et me promener.

J’ai été voir où se trouve l’annexe de l’école, où la plupart de nos cours auront lieu. C’est rue Dussoubs, dans le 2e (l’école est rue Dupetit-Thouars, dans le 3e), j’ai mis un quart d’heure pour y aller à pied. C’est en plein dans un quartier très animé et bordélique. J’aime me promener dans Paris. Bien sûr, certains quartiers sont beaux et d’autres sont pourraves, mais tout me plaît. Je prends plaisir à traîner dans n’importe quelle rue parisienne, j’aime l’ambiance. On voit toutes sortes de gens : des gens qui bossent, des touristes, des bourges, des clodos, des Français et des étrangers du monde entier. C’est agréable de flâner parmi eux qui sont réunis par hasard, qui sont pressés, qui se croisent et s’ignorent.

Je me suis accordé une petit folie. J’ai réalisé cette idée saugrenue que je me suis mise en tête hier : aller voir l’école de B*. Ce n’est pas la porte à côté, mais ce n’est pas très loin non plus et, je l’ai dit, je prends plaisir à marcher. Depuis la place de la République, j’ai longé le canal Saint-Martin. Je n’avais jamais vu le canal Saint-Martin. C’est surprenant, ce canal en plein Paris ; c’est joli, ces passerelles, ces squares, cette promenade au bord de l’eau (même si, bien sûr, ce n’est pas ce qu’on fait de mieux dans le genre « balade bucolique » : on a le bruit des bagnoles, et l’eau est verte). Je pense avoir trouvé l’école de ce cher Benjamin. Je n’ai pas vu le nom, mais j’ai repéré un bâtiment qui se présente comme un regroupement d’école, un campus… Voilà. Je suis rentré à la maison.

Ce soir, sur MSN, c’était rigolo : Amandine m’a envoyé le scan de son dernier dessin, puis deux autres que je devais reconnaître (c’étaient des portraits). Quant à moi, je lui ai montré quelques têtes connues aussi, qui sont dans mes carnets. Puis, d’autres trucs, qui ne sont pas des portraits, mais des petits dessins comme ça. J’aime beaucoup partager ça avec quelqu’un. C’est quelque chose qui me manque : autour de moi, personne ne dessine, sauf Amandine ! Voilà un problème qui sera réglé bientôt : tous les potes que je me ferai, cette année, seront des artistes.

Au fait, j’ai appelé S* pour savoir comment sa rentrée s’était passée. Pour elle aussi, c’était aujourd’hui. Tous les autres commencent plus tard. J’ai envoyé un SMS à Adeline, à Flore, à Benoît. Et à Mathieu, en me disant : « C’est l’occasion ! » Notre dernier contact, c’était le 4 juillet : un SMS pour s’entre-féliciter de notre glorieuse réussite au baccalauréat. J’aimerais bien ne pas le perdre de vue, Mathieu, je l’apprécie beaucoup, mais je ne sais pas comment m’y prendre.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no6 (intitulé Mieux dans mes baskets, mieux dans ma vie, 3 août – 25 novembre 2005), j’ai dix-sept ans.

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