Avant ce matin, j’étais Loin de Rueil — comme le titre de Queneau : j’y pense malgré moi. Et puis, ce matin, on a tenté, chacun de notre côté, de raccourcir la distance, à petits pas. En réalité, quand je dis « Rueil », je ne parle pas de la ville (qui n’est pas si loin de chez moi, et qui est même à mi-chemin de là où j’ai grandi et de là où je vis), je parle plutôt des élèves de seconde du lycée Gustave-Eiffel que j’ai rencontrés ce matin. C’est grâce à Paul-Éric et aux autres professeurs, qui m’ont embarqué dans leur parcours Lectures pour tous.
On ne se connaît pas, eux et moi, il faut le dire franchement. J’ai le double de leur âge, on ne vit pas au même endroit et, surtout, surtout, je consacre la plus grande part de mon énergie à un phénomène qui leur semble probablement exotique (mais peut-être pas, d’ailleurs ?) : la création littéraire. Dans dix jours, j’anime un atelier d’écriture avec eux. J’ai hâte. Mais, avant cet atelier, j’avais envie qu’on fasse un peu connaissance — même si je sais qu’une heure, ça passe trop vite.
Ce que j’ai fait, moi, pour raccourcir la distance : je suis venu dans leur classe (en chasse-neige). Ce qu’ils ont fait, eux : beaucoup plus que cela. Ils ont préparé ma venue en listant des questions pour moi. Drôlement pertinentes, évidemment, les questions. Parce que les plus spontanées sont (aussi) les plus existentielles : « Est-ce que c’est un métier, écrivain ? », « Pourquoi écrivez-vous ? » — vous voyez le genre. Passionnant, d’y répondre, mais frustrant de n’avoir pas plus de temps pour le faire mieux. Ils se sont inquiétés de savoir si je mangeais à ma faim, parce que bon, on sait bien que les écrivains « meurent dans la misère ». Ils étaient chouettes, ces jeunes gens que j’ai vus ce matin ! Toutefois, ils en ont appris plus sur moi, que moi sur eux. J’espère qu’on fera donc un peu mieux connaissance la prochaine fois, pendant l’atelier : cette fois, ce sont eux qui vont écrire. Ce sont eux qui vont s’exprimer, c’est moi qui vais les découvrir. Je serai, à ce moment-là, encore un peu plus près de Rueil.
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