Mercredi 19 octobre 2005

J’avais prévu plutôt ceci : reparler à Célie de ce carnet rouge qu’elle avait feuilleté, qui était explicite, et dont nous n’avons pas encore reparlé. Lui dire que ce n’est pas un secret : si elle a l’occasion de diffuser cette information… Au contraire : ça m’aiderait. Mais, changement de programme : ça ne s’est pas passé ainsi.

À 12h30, on sort du cours. On est à l’annexe, on prend le métro pour aller à la cantine qui est sur le site principal de Duperré. Il y a Étienne, Morgane, Coline et moi : les quatre habituels, les seuls quatre du groupe 1 (la demi-classe à laquelle j’appartiens) qui mangeons à la cantine. Dans le métro, il y a des affiches pour le nouveau film de Bertrand Blier : Combien tu m’aimes ? avec Monica Bellucci, Bernard Campan et Gérard Depardieu. Je m’arrête pour les regarder. Les deux filles rient. Morgane dit : « C’est l’effet Monica Bellucci ! Étienne s’est retourné au passage… et toi aussi… ! » Je me défends : « Non non, je regardais seulement parce que le film m’intéresse… » Réflexions ironiques des trois autres. Étienne dit : « Moi, j’assume. » Je suis mal à l’aise.

À table, comme d’habitude. Vers la fin du repas, je prends la parole.
Moi. — Est-ce que je peux être sérieux cinq minutes ?
Morgane. — Ben oui, pourquoi ?
Moi. — Au risque de paraître insistant, je tiens à ce que ce soit clair : tout à l’heure, dans le métro, je ne regardais pas Monica Bellucci.
Rires, vannes.
Morgane. — Mais c’est pas grave ! Pourquoi tu reviens là-dessus ?
Étienne, qui plaisante toujours. — Tu as le droit d’être homosexuel et de préférer Bernard Campan !
Moi, qui saisis la balle au bond. — Justement, c’est là que je voulais en venir ! Et vous ne l’avez pas remarqué, mais je regardais avec beaucoup plus d’insistance l’affiche dans l’escalier (allusion à l’affiche Rainbow Attitude avec les deux hommes qui s’embrassent). Voilà, je voulais que ce soit dit. Il fallait que je le fasse : je l’ai fait. Maintenant, je vous laisse, j’ai des photos à développer.

Je pars. Rien que pour voir la tête d’Étienne, ça valait le coup ! C’est difficilement descriptible. Le sourire incrédule. Amusé et incrédule.

Je suis sorti vers 13h15. Je me sentais si bien ! Léger ! J’avais envie de chanter, de rire. J’étais heureux de voir que cela me faisait toujours autant d’effet, que je ne m’y habituais pas. Juste avant de me lancer, j’ai senti mon cœur battre très fort et très vite.

J’avais une heure et quart devant moi. J’ai été tirer mes photos pour le cours de style, puis j’ai acheté un carnet pour ce même cours. J’ai traîné un peu, je me suis promené. Un quart d’heure avant la reprise des cours, je suis arrivé à l’école (c’est-à-dire à l’annexe, où nous avions cours à nouveau). Je ne savais pas si les trois avaient parlé aux autres de ce que je leur avais dit. Tout était normal. Tout était bien.

Le reste de la journée : ce matin, dans le RER, j’ai vu Clément (qui était dans ma classe en primaire) avec son père ; en anglais, j’ai eu 18 au contrôle ; on a vu un défilé haute couture Dior, complètement décadent, dans lequel la prof défilait ; en EP, j’ai fait une troisième version « subjective » de mon dessin de boomerang.


Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no6 (intitulé Mieux dans mes baskets, mieux dans ma vie, 3 août – 25 novembre 2005), j’ai dix-sept ans.

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