Les coquillages, ils sont deux

Dans « Les épaules » (ma nouvelle parue dans le recueil Ressacs chez Antidata), je décris un coquillage.

Il existe vraiment, ce coquillage. Et d’ailleurs, ils sont deux. C’est mon grand-père qui me les a donnés. Mais, je ne me rappelle pas leur histoire. Me l’a-t-il racontée ? L’avait-il inventée ? Je ne sais pas. Ils les avait rangés dans une boîte en plastique qui contenait, auparavant, des chocolats.

Dans Les présents, je décris à nouveau ce coquillage :

« J’étais épaté par la précision du dessin : les volutes, du genre baroque, qui s’enroulent sur la spirale du coquillage, et la reproduction du bateau dans le médaillon. Je ne sais pas avec quel outil ou peut faire ce type d’incision : la coquille est extrêmement dure. C’est un travail de patience. Du temps, ils en avaient, quand ils partaient en mer pour des mois… Ils s’employaient à le tuer, à le faire passer sans douleur. Ils s’occupaient les mains. Le gars qui a confectionné cette merveille, est-ce que c’est celui qui a fait naufrage ? Comment savoir ? Il n’y a pas de date sur le coquillage. » […]

Il y a un détail, sur la coquille de nacre, qui amuse Édouard : sous la représentation du bateau, la main a gravé dans un cartouche le mot « souvenir ». Une inscription qu’il perçoit comme hautement énigmatique, puisqu’elle ne dit pas qui doit se souvenir, ni de quoi. Est-ce le marin aux doigts habiles qui désire se souvenir du lieu, du moment où il a ramassé cet objet, et des longues heures employées à l’orner patiemment avec la pointe d’un tout petit couteau ? Ou bien, voulait-il que cet ouvrage serve à raviver le souvenir de lui-même, dans la mémoire des autres ? Voulait-il qu’on se rappelât qu’il avait existé ? Théo ne sait ni son nom, ni le lien de parenté qui pourrait le rattacher à son arbre familial. Il ne reste rien de l’homme qui avait confié son souvenir à ce coquillage, qui l’avait chargé de son espoir de continuer à exister : dans le prolongement de l’outil qui a gravé la nacre, c’est une main, un bras, tout un corps qui ont sombré dans l’oubli.

Un jour, peut-être que Les présents seront un livre. Alors, la description du coquillage sera comme le coquillage lui-même : elle sera deux.

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1 commentaire

  1. Ils me rappellent les pipes d’écume, vos chocolats nacrés, anciennes et précieuses. Et le mot “chantourné”, aussi.

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