La forme d’un balcon

« Est-ce que vous cherchez quelqu’un ?
— Oui, enfin, je veux dire, je sais qu’il n’habite plus là (il est mort), mais je me demandais : l’appartement de Julien Gracq, c’était lequel ? »

À Sion-sur-l’Océan (commune de Saint-Hilaire-de-Riez), au numéro 22 de la rue des Estivants, je peine à croire que le grand homme a séjourné trente-six étés de suite dans cet immeuble-là. Parce qu’il faut être honnête : il n’est pas jojo, cet immeuble. Même : franchement indigent, du point de vue esthétique. Je me demande comment l’auteur de La forme d’une ville et d’Un balcon en forêt (entre autres) a choisi d’habiter dans un immeuble de cette forme-ci (une barre) et avec des balcons pareils (j’ai du mal avec les gardes-corps en alu et en verre, ça m’a toujours gêné).

À propos du choix de cette station balnéaire plutôt que d’une autre, je n’ai pas de difficulté à comprendre. Un professeur de géographie ne pourrait pas passer ses vacances dans une ville qui porte, dans son nom, une erreur ou une approximation de vocabulaire : la Tranche-sur-Mer, la Faute-sur-Mer… C’est embarrassant, ces communes du bord de l’océan qui prétendent être en bord de mer. Sion-sur-l’Océan a le mérite de l’exactitude : « sur l’océan ». Voilà. Puisque les choses ont des noms, nommons-les.

« Son appartement, c’était celui-là, au troisième étage. Vous avez vu l’autre côté, qui donne sur l’océan ? le balcon ? »

Oui, j’ai vu l’autre côté. Et c’est comme ça que j’ai compris pourquoi il avait choisi cet endroit : l’immeuble est ce qu’il est, mais la vue est magique. Surtout du troisième étage, j’imagine. Face à l’horizon, suspendu au-dessus de ces rochers bleus qui donnent leur couleur aux vagues.

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2 commentaires

  1. Bonjour,
    Me promenant récemment à Sion, j’ai découvert par hasard le petit panneau dédié à Julien Gracq sur le muret de cette bien laide résidence. J’ai éprouvé la même surprise que vous sur ce rivage des tristes.
    Rentré à Paris, Internet m’a permis de trouver votre publication mais aussi cette annonce qui pourra peut-être vous intéresser. https://vendee-drakkar.site-pap.fr/accueil.html Mais là il est au 2e étage.

    1. Merci pour le clin d’œil ! Le studio de l’annonce est tout près de celui de Gracq, en effet. Et son texte est presque rédigé par un poète. Il suffirait de presque rien, d’un peu de ponctuation peut-être ?

      « Face à l’océan, la sensation
      D’être sur un navire
      De croisière.
      Sous la couette regarder
      Les couchers de soleil sur l’île d’Yeu, et au matin
      Les vagues déferler
      Sur la plage
      Depuis l’intérieur-même. »

      Cela se tente, n’est-ce pas ?

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