C’était donc la rentrée. Une petite rentrée sympatoche. L’événement du jour, s’il en fallait un, ce pourrait être : j’ai dit à M* que j’étais homo. Une bonne chose de faite. Bon, je raconte.
Ce midi, j’ai mangé avec les habituels, et Florian en plus. Ça arrive de plus en plus souvent. Après, on rentre en cours. Et Marine me dit : « Je ne savais pas qu’il était homo, le copain de S*. Ça m’a surpris. » À la fin de la journée, à 17 heures, je l’ai attendue à la sortie du cours d’espagnol. Alors que d’habitude, je me barre. Au moment où elle va vers le garage à vélos, elle me dit : « À demain » et je lui dis : « Non, attends, je t’accompagne. » Elle : « Ah bon ? » Moi : « Oui, j’ai envie de te cause de quelque chose d’un peu sérieux. » Alors, je lui ai dit : « Tout à l’heure, tu m’as dit que tu avais été étonnée de savoir que Florian était homo. Alors ça te surprendrait encore plus, peut-être, de savoir que je le suis aussi. » Effectivement : elle est surprise. Et voilà. On a blablaté cinq minutes et zou, à demain, au revoir.
Je disais donc : on a mangé avec Florian. Après la cantine, j’ai causé avec S* et lui. On a parlé cinéma. Il a demandé si c’était vrai que dans le dernier Almodóvar (La mauvaise éducation) les scènes de sexe étaient si crues et montrées. Je lui ai confirmé qu’il y avait une scène de sodomie plus que suggérée, et que sur grand écran ça faisait bizarre. Il a dit qu’il avait beaucoup aimé Crustacés et coquillages, que c’était très drôle. J’aurais voulu voir ce film, mais il ne passait nulle part autour de chez moi : ni à Saint-Germain, ni à Marly, ni au Vésinet, ni à Chatou. C’est une comédie de Ducastel et Martineau, un couple gay. Des trucs qui partent dans tous les sens : tout le monde trompe tout le monde, les homos ne sont pas ceux qu’on croit, ça couche avec n’importe qui. La bande-annonce m’avait fait rigoler. Surtout, Florian a dit qu’il connaissait le jeune acteur qui joue un gay dans le film ; et qu’il avait couché avec lui. Hum ? Vraiment ?
S* m’a rendu Depuis que je sais ce que je suis. Elle a trouvé ça « émouvant » (je cite). Elle s’est reconnue, à un moment : la fille qui dit : « Oh, ce mec trop mignon, il est homo, quel gâchis ! » Elle avait dit ça à propos de Florian. J’avais trouvé ça bête. J’ai fait une page là-dessus.
Je l’ai prêté à B*.
Demain matin : mon concours ! Argh ! Ce soir avec maman, on a réfléchi à celui des quatre sujets qui me posait problème et, finalement, on a trouvé de bonnes idées. Maintenant, stop : je n’y pense plus. J’ai préparé mon matériel.
Demain, j’irai aux deux premières heures de cours, parce que c’est histoire : je n’ai pas intérêt à rater. Puis je rentre à la maison à 10h30, et je pars à midi pour arriver là-bas à 13h30. C’est au métro République.
Cette rubrique « Carnets » reprend le journal que j’ai commencé à tenir en 2003. Dans ce carnet no4 (À la découverte de la vie normale, 13 avril – 6 juin 2005), j’ai dix-sept ans.