Sous le pont de Sapiac coule le Tarn
Et nos amours
Faut-il qu’ils s’acharnent
La joie toujours se réincarne
Il n’y a pas un choix immense, pour les rimes en –arn. J’ai fait ce que j’ai pu. J’aurais dû prendre le pont qui enjambe le Tescou : ç’eût été plus facile avec des –ou.
Pour la première fois, j’ai coché la case « me dégourdir les jambes » du formulaire. Je n’ai pas fait d’achat de première nécessité : j’ai tout ce qu’il me faut chez moi. J’ai franchi ce pont pour mieux voir la rivière : voir la rivière, c’est voir loin. Voir l’horizon. Me laver les yeux du trop-d’écran. Me laver les oreilles, c’était déjà fait : je n’ai pas allumé la radio, à l’heure du journal. J’ai écouté de la littérature. Pour moi, l’urgence sanitaire aujourd’hui, c’était : me débrancher de l’urgence sanitaire – et voilà que j’échoue : j’en parle à nouveau.
Lorsque je sera rentré à Paris, j’aurai envie de me laver les yeux dans la Seine. Mais le pont de Sully est à 1200 mètres de chez moi. Prendrai-je le risque de sortir du périmètre ? La « prise de risque », ce n’est pas seulement la peur du virus, c’est aussi la peur du flic.
Sur le pont de Sapiac, quand on regarde dans l’autre direction, on voit le Pont Vieux et, devant lui, le Pont Neuf.
Sur le Pont Neuf j’ai rencontré
Louis Aragon, « Sur le Pont neuf j’ai rencontré »
D’où sort cette chanson lointaine
D’une péniche mal ancrée
Ou du métro Samaritaine
En attendant Paris, ici, je compte les briques roses. Et j’ai lu cette histoire de briques, qui était parue dans le Cafard hérétique en regard d’une peinture de Francis Caudron sur laquelle on voyait, je vous le donne en mille : des briques.