On a vu des ponts (il n’y a pas de hasard)

Une escapade hors de Vendée. Pour quitter le département, on a franchi un pont : le pont du Brault. Après, on est entrés ailleurs, en Charente-Maritime.

Le pont du Brault, je ne l’ai pas vu fonctionner, mais il paraît que c’est un pont à bascule et que, parfois, il reste suspendu : il a du mal à se fermer. Alors, on fait rouler un camion très lourd dessus, et hop, il tombe. Fastoche !

L’idée d’aller en Charente-Maritime, c’était pour voir la Rochelle. Mais, avant d’arriver en ville, on a fait des détours dans la zone portuaire. Il y avait des silos magnifiques et de beaux lettrages. J’ai vu l’inscription « Compagnie du phospho-guano » sur un bâtiment industriel et j’ai pensé au Temple du soleil.

On est arrivés au pied du pont de l’île de Ré. On ne l’a pas emprunté, non. On n’est pas montés dessus — on voulait seulement le voir du dessous. C’est une longue bande de béton, très longue. On dirait qu’elle court d’un seul tenant, moulée sur place, sans aspérité. Plastiquement, ça ne me passionne pas, pour le dire franchement. Je suis content de voir de près, tout de même, ce que j’avais vu de loin, depuis la Faute ou la Tranche-sur-Mer.

En ville, on a observé encore un autre pont : le pont du Gabut. Celui-là est cent fois plus beau, il est du type basculant, comme un pont-levis de château-fort, ou comme le pont du Brault. La dentelure de l’engrenage est splendide : j’ai pensé, bêtement, qu’on pourrait casser des noix entre les roues crantées. Je deviens calé en ponts, depuis quelques jours : je m’étais déjà rencardé sur celui de la rue de Crimée, qui est ce qu’on appelle un pont-levant, et non pas levis, parce qu’il se lève, lui, à l’horizontale.

Tant qu’à faire de la route, on a été voir Rochefort et son éminent pont transbordeur. Ça, c’est carrément plus ma tasse de thé que le pont de l’île de Ré : c’est de la mécanique et de la poésie, mêlées à parts égales. Un panneau touristico-pédagogique nous rappelle que ce n’est pas n’importe quelle scène des Demoiselles qui a été tournée ici, mais la scène d’ouverture. Carrément. Et il nous explique que, pour Jacques Demy, le passage de ce pont symbolise la traversée de la frontière entre le monde réel et celui du rêve, de l’imaginaire. Évidemment.

Alors, je repense à mon pont à moi, celui de la rue de Crimée, dans Les présents. Et je l’analyse à l’aune de ce qui est dit sur ce panneau. Je me dis que, si j’ai introduit ce pont dans ce chapitre (alors qu’il n’y était pas prévu initialement), ça n’est sûrement pas par hasard : ma grande préoccupation, à ce moment, était précisément de resserrer encore les liens entre le vrai et l’imaginé, entre le monde réel et le fantasme. Et de clore une longue parenthèse, inaugurée à la moitié du roman, quand Théo quitte Paris pour se rendre au village. Dans ce chapitre central, écrit au mode conditionnel — je demande pardon, par avance, au lecteur —, il prend le train à Montparnasse, direction la Bretagne. Il parcourt des paysages. Et, soudain, au détour d’une page, je m’attarde sur la description du viaduc de Morlaix.

Le viaduc de Morlaix ! Encore un pont ! Décidément, il n’y a pas de hasard (et ça tombe bien, car ça aussi, c’est le sujet du roman).

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